René Lussier : Bonheur en vrac
L’incomparable René Lussier s’offre une première escapade en chanson. Si le public pourra y découvrir un versant plus accessible de l’artiste, il s’agit pour lui d’une nouvelle odyssée des plus expérimentales.
La chanson est une forme musicale répandue au Québec, un milieu bien établi; la musique populaire, quoi. Mais pour le singulier créateur et éminent guitariste René Lussier, il s’agit d’une autre brèche d’inconnu à explorer. Et fidèle à son habitude, il n’allait pas privilégier les sentiers défrichés, loin de là: un détour en plein Pacifique s’imposait. "La première fois que j’ai entendu la musique hawaïenne, j’écoutais ces gars-là chanter, avec leur voix de tête, puis je leur ai trouvé un lyrisme et un don fabuleux, un charme incroyable. Je me disais: "Si jamais un jour je chante, c’est de même que j’aimerais chanter." Évidemment, c’est pas là pantoute que j’ai été", rigole-t-il, soulignant avoir été particulièrement séduit par le swing hawaïen des années 1920 et 30. "C’était l’esprit vaudeville, puis il y avait comme un aspect cascadeur de la guitare; certains joueurs de l’époque faisaient des choses vraiment incroyables! C’était souvent humoristique, et un peu spirituel en même temps. Ça vaut vraiment la peine d’aller fouiller là-dedans."
Sur son nouvel album Le Prix du bonheur (La Tribu/Sélect), Lussier s’inspire en grande partie de ces airs traditionnels, notamment ceux immortalisés par Sol Hoopii et le Kalama’s Quartet, en plus de proposer quelques compositions. Première expérience d’enregistrement maison, le disque chaleureusement dépouillé renferme aussi quelques délectables et subtiles fantaisies auditives chères au musicien, tout en mettant de l’avant les jolis mots de sa compagne, l’auteure Paule Marier. "Elle a écrit les textes et, en même temps, elle me les a fait "fitter" dans la bouche. Il y a bien des petits détails qu’on a cuisinés ensemble pour faire en sorte que je sois capable de les chanter", ajoute-t-il, citant en exemple la rythmique des phrases. "Ce que j’aime bien, c’est l’équilibre entre la tristesse de l’âme, parfois, et un genre de sarcasme ou, en tout cas, un humour qui tient la route. C’est le genre de poésie que j’aime lire, un peu comme celle de Patrice Desbiens, où l’on sent l’humour et la détresse, mais en équilibre. On ne tombe pas d’un bord ni de l’autre; on est tout le temps sur la faille…"
C’est en équilibriste solitaire ou, comme il se plaît à dire, "en duo avec ma guitare" que René Lussier viendra offrir sur scène son tout premier tour de chant en carrière. "Je dirais qu’il y a deux raisons principales à la formule solo: d’abord, pour m’approprier ce type d’expression-là qu’est le chant, pour pouvoir rentrer en dedans, puis donner ça, expose-t-il. Puis, peut-être aussi pour gagner ma vie de façon minimale, en espérant éventuellement pouvoir engager des musiciens… Mais c’est tout un défi de jouer seul, puis de chanter ces tounes-là. Et il y a une volonté certaine de toucher plus de gens, plus de gens différents. La chanson sera peut-être pour moi le seul moyen de pouvoir aller jouer ailleurs que dans les places habituelles…"
Le 19 avril
Au Cabaret Music-Hall
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René Lussier
Le Prix du bonheur
(La Tribu/Sélect)