Zazie : La chevauchée fantastique
Musique

Zazie : La chevauchée fantastique

Zazie était de passage à Montréal récemment pour nous présenter son cinquième album studio, l’électro-pop Rodéo. Rencontre avec une femme intelligente, drôle, intègre, et fatalement belle.

Gros succès en France, Rodéo est le premier album de Zazie à paraître au Québec en copie domestique, et cela, malgré un passage par les FrancoFolies de Montréal il y a quelques années. L’ascension de Zazie chez elle s’est faite progressivement: "Le succès a été instantané mais en pente douce, ça m’a permis de ne pas perdre le contrôle, de ne pas me prendre pour Dieu." Effectivement, il y aurait matière à se gonfler d’orgueil. Ses ventes de disques sont passées de 30 000 exemplaires (Je tu ils, en 1992) à plus de 500 000 pour Rodéo!

Ne pas négliger la beauté et la sensualité de cette femme qui déjà, étudiante en kinésithérapie, se faisait offrir un poste de mannequin: "C’était un job. Ça m’a permis de voyager, mais comme c’est très artificiel et superficiel, ça m’a donné envie d’être, j’ai ressenti l’urgence de faire un métier avec un peu plus de consistance." Elle a fait dix ans de violon classique, elle adore la musique anglo-saxonne (Pink Floyd, The Cure, Talking Heads), pourquoi pas chanteuse? Zazie a commencé par bricoler des chansons pendant ses temps libres, puis ses amis l’ont incitée à envoyer ses démos à des maisons de disques.

Et ça démarre. Son passage de mannequin à chanteuse ne se fait pas naturellement: "Faire une pochette, ce n’est pas faire une image de mode. La mode, c’est un jeu de rôle, mais une pochette, c’est soi-même. Il m’a fallu désapprendre; avoir une bonne pose et de beaux cheveux, ce n’est pas ça qui est important quand on fait de la musique."

Le cœur de Zazie penche depuis toujours vers le rock anglais (aujourd’hui, Coldplay et Radiohead). Deux chanteurs français l’allument vraiment: Bashung et Alain Souchon. Avec de tels artistes novateurs comme modèles, pas étonnant qu’elle explique ainsi son travail créatif: "J’ai voulu mixer les deux cultures, française pour le texte et anglaise pour la musique."

Zazie arrive ainsi à ce mélange des genres musicaux qui ne la confine pas à faire du rock OU des variétés, de la chanson à texte OU de la techno: "Je ne m’interdis rien, l’étiquetage ne m’intéresse pas. J’aime bien les paradoxes dans les chansons; sur un truc très up-tempo, je vais balancer un propos atroce ou murmurer une colère, j’aime jouer du contraste." Elle ne se prive pas, ni dans ses chansons ni en entrevue, pour confronter badinage et réflexion sociale: "Je n’aime pas imposer les choses aux gens. Je suis une chanteuse populaire, je ne choisis pas à qui je m’adresse. Si les gens préfèrent voir le côté léger, consommable, et oublier, tant mieux. Mais s’ils veulent gratter, tant mieux s’il y a quelque chose derrière."

Il y a chez Zazie une volonté de transparence, une honnêteté vis-à-vis du public. Pour éviter les malentendus, elle parle de sa fille de deux ans et demi et de son amoureux, leur consacre même deux magnifiques chansons (Lola majeure, tout en broderie fine, sur Rodéo ainsi que Sur toi, sur La Zizanie). "Je n’ai jamais cherché à provoquer le succès sur la base de mauvais ingrédients. Je préfère vendre moins de disques, mais que les gens retiennent autre chose de moi que la manière dont je fais l’amour ou si j’aime la choucroute!" confie une Zazie sensible, badine et réfléchie, qui enchaîne les cigarettes en buvant du thé. Emmitouflée dans un gros pull noir, elle n’est plus la bombe que représentent les clichés de Rodéo.

Pour cet album, Zazie semble se rire des concepts. D’abord la pochette n’a pas de signification autre que le simple aspect ludique, esthétique. Musicalement, aussi, dans la fabrication à trois des chansons. Avec Jean-Pierre Pilot et Philippe Paradis, elle a créé des arrangements très léchés, sophistiqués: "Ma langue première, c’est la musique. Je ne peux pas écrire une ligne si je n’ai pas d’abord une musique. Elle provoque une émotion en moi et j’essaie de trouver les mots, de transformer en sens ce qui est de l’ordre de la sensation." La parolière ne soigne pas autant ses mots: "Je veux montrer aux gens que si le texte n’est pas parfait, l’émotion, elle, est réelle, brute, avec la poussière, les racines; ce n’est pas joli mais c’est plus vrai que si je gomme." Elle n’a pas gommé non plus la dernière chanson (J’arrive), même lorsqu’elle a appris après coup que Jacques Brel avait écrit une chanson pareillement intitulée et sur le même thème. Son Rodéo se balance entre intimisme textuel et exubérance musicale. Sans oublier d’essentielles imperfections qui rehaussent le charme, la pertinence et l’authenticité de l’oeuvre de Zazie.

Zazie
Rodéo
Mercury