M83 : Dans une galaxie loin de chez vous
M83 ou une visite guidée à travers les nébuleuses et autres constellations oubliées. Mesdames et messieurs, nous flottons dans l’espace.
Ses musiques magnifiées, des colonnes de son érigées jusqu’aux étoiles, mènent l’auditeur loin, très loin, grâce aux transports épiques voire épileptiques de synthés stratifiés se consumant jusqu’à exploser sur des paysages sourds, froids, comme en flottement. On dit le Français Anthony Gonzales, monsieur M83, beaucoup moins énigmatique que sa musique et il est le premier à l’admettre: "J’ai vraiment du mal à me considérer comme un artiste, quoi. Pour moi, un artiste, c’est quelqu’un d’extravagant… Bon, j’ai un peu la tête dans les étoiles, mais en général je suis assez terre à terre. J’aime les choses simples, et je ne me prends pas la tête. Je n’aime pas trop intellectualiser ce que je fais. Si je n’étais pas allé vers la musique, je serais devenu footballeur."
Paru au début de l’hiver, Before the Dawn Heals Us, troisième album, mise toujours sur une médusante alchimie entre mélodies obsédantes et textures riches, complexes, mais marque une tangente plus rock (voir Don’t Save Us From the Flames, A Guitar and a Heart) pour M83 qui, à ses débuts, collait davantage à l’ambient, quoiqu’on sente encore sur ce disque les allégeances Eno de Gonzales (In the Cold I’m Standing, Slight Night Shiver), qui construit ses pièces autour de motifs puissants, psychotropes. "Généralement, ça part d’une mélodie. Ensuite je gravite autour et j’ajoute des éléments qui colleront à cette mélodie. C’est vraiment avec le temps et la patience que, finalement, le morceau prend forme. Je laisse beaucoup de place à l’évolution du morceau… Ça peut partir d’un truc assez rock et devenir ambient, ou l’inverse. Mais pour moi, c’est la mélodie qui prime."
Il faut dire que Nicolas Fromageau, collaborateur depuis les débuts, est retourné à des projets personnels, laissant la place entièrement libre à Anthony Gonzales, déjà responsable en grande partie du son M83. "J’ai toujours composé pour M83. Nicolas était surtout là pour apporter ses idées de structures. C’est un très bon guitariste, alors il fournissait beaucoup d’idées au niveau de la guitare. Les choses ont changé depuis qu’il n’est plus là, forcément, il y a un membre en moins… Je dirais plutôt que le projet a évolué, quoi. C’est devenu autre chose, mais je crois que les gens qui ont aimé les deux premiers albums s’y retrouveront aussi sur celui-là."
Parmi les fans de M83, des membres de Placebo, Goldfrapp et Bloc Party, qui lui ont tous demandé des remix de leurs pièces. Parmi les influences, filiations ou cousins de son, on pense à Mogwai dans les structures, à la mélancolie inquiète d’Air, au côté réverbéré du shoegaze, My Bloody Valentine en tête, à des restants de Sonic Youth pour la part rock. Mais aussi au cinéma: "Je vois énormément de films et je pense que le cinéma, au point de vue des images que j’ai en tête quand je compose, m’influence beaucoup, des réalisateurs comme David Lynch et Harmony Korine. Et les musiques de films également, celles d’Angelo Badalamenti, entre autres (Un long dimanche de fiançailles, Mulholland Drive, La Cité des enfants perdus, Twin Peaks). Le rapport à l’image est vachement important pour moi", et palpable dans tous ces titres qui sont des poèmes en soi et dont il coiffe ses chansons après coup, titres trouvés autour d’une table en cogitant avec son frère.
De la musique d’Anthony Gonzales émane un grand sens de la liberté – n’ayons pas peur des mots, car il n’y a rien de cynique ici, on est dans la grandiloquence assumée, déployée, célébrée – qui, note-t-on dans la bio envoyée par les gens de Mute, sa maison de disques, ne peut être ressentie que par le sexe, l’expérience des drogues ou la méditation. "C’est vrai qu’il y a là un petit côté psychédélique et assez années 70", approuve Gonzales, 24 ans. Si bien qu’on vous suggère In the Cold I’m Standing en accompagnement de vos découvertes sous-marines d’épaves oubliées, de vos explorations dans les ruines secrètes de cités enfouies sous les sables, de votre prochaine séance maison de feux d’artifice (on les entend éclater sur Let Men Burn Stars), couché sur un lac gelé devant le spectacle des aurores boréales ou, plus simplement, l’été dans un champ en observant les étoiles – mais attention de ne pas tomber dans le ciel. "Ouais, c’est pas mal! Moi j’aime bien écouter de la musique par une nuit d’été au bord de la mer ou d’une piscine, c’est assez classique mais efficace. J’ai un petit home studio à Antibes, en France, où je peux travailler mes maquettes et mes démos avant d’aller en studio."
On n’écoute pas M83, on monte le volume et on se laisse happer. "M83, c’est une galaxie. Tout le monde cherche une signification à ce titre-là, mais moi je n’accorde pas plus d’importance que ça aux étoiles, c’est juste que je trouvais la photo belle… Une galaxie classique mais avec de belles couleurs bleues, c’était assez joli, quoi."
Le 18 avril
Au Cabaret Music Hall
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