Olivier Brousseau : Confronter les flots
L’auteur-compositeur sherbrookois Olivier Brousseau sort cette semaine J’ai mon voyage!, un troisième album nourri par ses périples, ses racines et son engagement.
Ces temps-ci, Olivier Brousseau court beaucoup. Ne bénéficiant pas, comme d’autres artistes, d’une machine pour le pousser, l’auteur-compositeur doit s’occuper de tout: préparer le lancement de l’album et le spectacle du 29 avril au Vieux Clocher de Sherbrooke, "booker" des shows à l’extérieur de la région, faire imprimer des affiches et des t-shirts… À travers tout ce boulot, il tente d’intéresser les radios au premier extrait de l’album: la chanson-titre J’ai mon voyage! "Beaucoup ont trouvé que c’était la chanson la plus accrocheuse", constate-t-il, assis devant une tisane aux framboises et un immense thé glacé.
En fait, des chansons accrocheuses, il y en a plusieurs sur ce troisième album d’Olivier Brousseau. Métissant habilement les rythmes traditionnels et les musiques du monde, le disque pourrait bien mettre le Sherbrookois sur la carte musicale du Québec. Distribué à l’échelle de la province par la compagnie Local Distribution, le disque sera disponible sur les postes d’écoute de quelques disquaires ainsi que sur le site www.postedecoute.ca. Olivier a donc mis toutes les chances de son côté pour se faire voir et entendre.
Appuyé par le Conseil des arts du Québec et par le programme Jeunes Volontaires, l’artiste de 26 ans s’est payé la traite en créant un album à son goût. Les arrangements sont plus fignolés et la musique traditionnelle est plus présente que sur ses albums précédents: Chemin Sansoucis (2002) et Goûter au ciel (1999). Le mixage et le mastering ont été confiés à un pro, Claude Champagne, qui a mixé des albums d’artistes qu’Olivier aime et écoute: Jean Leloup, Marc Déry, Jorane, Richard Desjardins, Daniel Bélanger, La Bottine Souriante… La prise de son a été réalisée à Sherbrooke, au studio Mémodio, avec Alexandre Nadeau.
Bref, Olivier s’est fait plaisir. Il faut dire que les dernières années lui ont apporté leur lot d’événements tristes. Ses deux parents sont morts d’un cancer à un an d’intervalle. Un coup que Olivier a réussi à encaisser et à accepter en faisant de la musique. "Avec ce qui m’est resté en héritage, j’ai décidé de faire quelque chose de concret. Ce disque, c’est comme si c’était un cadeau que mon père m’offrait."
ENRACINÉ
Si le trad s’est frayé un chemin encore plus large dans les chansons d’Olivier Brousseau, c’est un peu grâce à son complice, Isaël McIntyre, mieux connu sous le nom de Pablo.
Pablo, c’est la deuxième voix d’Olivier et l’infatigable tapeur de pieds. Les deux gaillards ont commencé à chanter ensemble au secondaire, dans les partys et autour de feux. "Quand j’ai une chanson de faite, je la monte avec Isaël, à deux voix, avec les pieds et la guitare. Le son d’Olivier, c’est devenu ça." Les pieds qui tapent sur une planche de bois se marient d’ailleurs très bien aux mains qui frappent sur des congas et des bongos, ce qui intègre à merveille la musique traditionnelle québécoise à l’univers folk-world d’Olivier Brousseau.
Le groupe qui accompagne Olivier se nomme désormais Les Chaïkebo, une expression qu’Olivier a inventée pour la chanson Le Petit Barbare et qui signifierait "guérisseurs de l’âme par la musique", selon ce qu’on peut lire dans la pochette du disque. "Je ne voulais pas le sortir juste sous le nom d’Olivier Brousseau. On travaille vraiment à créer une énergie sur scène", mentionne le barbu. Les Chaïkebo, c’est Jean-François Bégin, David DeCastello, Philippe Dussault et Isaël McIntyre.
Olivier Brousseau profite parfois de ses chansons pour passer certains messages à portée sociale. "C’est important pour moi de véhiculer certaines valeurs dans mes chansons. Pas juste de raconter des petites histoires du quotidien." Contrairement à plusieurs autres, le jeune homme s’inspire peu des affres de l’amour pour créer ses chansons. "Je trouve que c’est un lieu commun dans lequel tout le monde va se réfugier. C’est difficile d’en traiter de façon différente. […] Si j’y touche éventuellement, c’est parce que j’aurai trouvé une façon originale de le faire."
J’ai mon voyage
Olivier Brousseau et les Chaïkebo
(Les Productions Sacapus)
Le 29 avril à 20 h 30
Au Vieux Clocher de Sherbrooke
OLIVIER NOUS PARLE DE SES CHANSONS
J’ai mon voyage!
"Quand on est allés en France en 2003, on s’est fait refuser une demande de subvention. Il a fallu se retourner de bord rapidement, alors on a décidé d’organiser deux spectacles-bénéfice aux Beaux Dimanches sous le thème J’ai mon voyage. J’ai composé la chanson pour le spectacle."
Malins plaisirs
"J’ai composé cette chanson après être allé en Gaspésie chez Gerry à Cap-aux-Os. C’est un vieux bonhomme qui a une terre sur le bord de la mer et il laisse les voyageurs camper. C’était vraiment tripant. Il y avait une vingtaine de tentes, plein de feux, le monde faisait de la musique et se promenait d’un feu de camp à l’autre. Quand j’ai entendu dire que le bonhomme était mort – mais je ne suis pas sûr que c’est vrai! – je me suis dit: "Il faudrait que je fasse une chanson en hommage à Gerry.""
El Oso latino
"C’est mon ami Oswaldo qui a composé cette chanson-là. Moi, j’ai fait le refrain. El Oso latino, ça veut dire L’Ours latino. C’est son surnom parce qu’il est poilu."
Les Gaulois
"C’est un poème que j’ai écrit après le Sommet des Amériques. […] C’est antimondialisation, anti-néolibéralisme. Ça parle de choses qui nous écourent, mais en même temps, c’est une chanson d’espoir."
Dans la lune
"C’est une chanson qui date d’il y a deux ans. C’est une petite valse country. J’étais dans une période où j’écoutais beaucoup de trucs dans ces tons-là. C’est une chanson plus poétique, une chanson d’images."
Complainte du bord du quai
"C’est ma plus récente. Je l’ai composée en revenant d’Irlande, l’hiver dernier. […] J’ai inventé le premier couplet dans la douche. Après, Isaël a composé une turlute et on a décidé de la faire juste voix et pieds."
Romantico XXX
"Je grattais sur ma guitare et j’ai sorti un petit riff calypso. Les premiers mots qui me sont venus en tête là-dessus, c’est: "Il fait beau, il fait chaud." Je me suis dit: "Pourquoi pas?" C’est léger, mais je l’assume!"
Sur le pied de la gare
"J’avais écrit le texte il y a longtemps. Quand j’ai fait la musique, j’étais dans une passe où j’écoutais beaucoup de country. J’aime un spectre assez large en musique. C’est pour ça que dans mes chansons il y a du reggae, du country, du trad."
Chanson pour pigeons
"C’est un petit riff que j’avais sorti. On s’est dit que ça serait le fun de sortir une petite phrase, qui arrive de nulle part et qui surprend."
Métier d’homme
"Il y a un livre qui s’appelle Le Métier d’homme. C’est un gars qui est handicapé physique qui l’a écrit. Ça parle de son rapport à la vie et à la maladie. Mon père était malade quand il l’a lu et ça l’a aidé à cheminer. Je l’ai lu et ça m’a fait réfléchir sur le fait qu’on se fait souvent demander quel est notre métier. Moi, mon métier premier, c’est d’être un humain, de vivre en relation avec d’autres humains de façon harmonieuse et pacifique. Mais on a tendance à l’oublier."
J’ai perdu ma plume
"C’est le syndrome de la page blanche que j’ai tourné à mon avantage."
Le Petit Barbare
"C’est une chanson que j’ai composée un peu avant Granby. (NDRL: Olivier et ses musiciens ont participé au concours en 2002 et sont repartis avec le Prix du public.) Je "feelais" pour inventer un univers fantastique. Finalement, on l’a faite à Granby, puis ç’a super bien marché."