Bori : Rester dans l’ombre
Edgar Bori mène une carrière affranchie de toute contrainte liée à l’image. Ce 23 avril, au Gesù, il célèbre avec ses amis dix ans de clandestinité chèrement préservée.
Prototype même de l’antistar, Edgar Bori trimballe ses magnifiques chansons depuis dix ans sans que personne – ou presque – ne sache qui il est réellement. Dans cette civilisation obnubilée par l’image où le désir le plus cher de l’individu est d’être vu à la télévision, voilà un véritable tour de force.
En 1995, ne voulant pas interpréter sur scène les chansons de son premier album, il invite des amis comédiens à chanter à sa place. Cette formule plutôt théâtrale a fonctionné pendant cinq ans, jusqu’à ce que le public réclame "la voix du disque". Puis il y a eu ce fameux premier spectacle solo aux FrancoFolies, en août 2001, ses musiciens ne pouvant l’accompagner ce soir-là. En entrevue, il insiste pour dire que ce sera son unique spectacle, que tout s’arrêtera après; mais un journaliste, le lendemain, écrit qu’on l’actionnerait publiquement s’il laissait tomber maintenant. Quelques jours plus tard, les diffuseurs se mettent à l’appeler… et voilà notre Bori qui se laisse booker une vingtaine de spectacles! "Quand ce sont les gens qui t’appellent, tu réfléchis. Sincèrement, je me suis aussi dit que j’arrêterais après cette série de spectacles, mais je n’ai pas pu. Il y a eu la première partie de CharlÉlie Couture en France, puis un autre album, et… ça fait déjà dix ans que ça dure! Vous savez, j’ai un profond manque d’envie de monter sur les planches, mais les gens ont voulu assister à des spectacles de Bori. Alors j’ai proposé ce compromis: ne jamais montrer mon visage sur scène. Ce qui est une vieille idée, dans le fond, car à 14 ans, j’avais dit que je deviendrais le Chanteur masqué après avoir lu les aventures du Concombre masqué!"
Ombres chinoises, éclairages à contre-jour, larges chapeaux à la Blues Brothers, bas nylon sur la tête: tous les moyens sont bons pour préserver cette nécessaire clandestinité: "C’est une grande liberté de pouvoir se promener dans les lieux publics et de capter des impressions et des images, tel un photographe, sans être reconnu. J’ai voulu garder cet anonymat qui n’est absolument pas différent de celui de Ducharme et de beaucoup d’écrivains qui refusent de mettre leur photo en première page des journaux. C’est un choix difficile, commercialement: la liberté coûte cher mais elle n’a pas de prix. Un jour, je suis allé voir une pièce de théâtre avec Jean-Pierre Masson, qui jouait Séraphin, et il se faisait encore jeter des regards épouvantables par le public, qui le détestait! Je ne veux pas vivre ça."
Le 23 avril, pour célébrer ses dix ans, Bori invite sur scène des amis qui l’ont mis au monde: les comédiens du début, mais aussi des gens du métier dont il tient à taire le nom et qui viendront peut-être chanter avec lui. Et après? "Je suis toujours en questionnement quant à l’avenir de Bori, mais il y a un nouvel album qui s’en vient. Après, je ne sais pas. Gardant mon idée de départ, je me laisse mener par les événements, comme un bouchon de liège dans le courant."
Au Gesù
Le 23 avril
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