Arielle Dombasle : Péché mignon
Musique

Arielle Dombasle : Péché mignon

La superbe Arielle Dombasle arrive au Québec pour défendre Amor Amor, son plus récent album, qui connaît un succès colossal en France. Caprice de star ou pari fou?

Comédienne et cantatrice excentrique et fantasque, la blonde flamboyante a connu une carrière vraiment exceptionnelle. Actrice fétiche du cinéaste Éric Rohmer (cinq films en tout), chanteuse lyrique qui se soumet à toutes les rigueurs de l’exercice, la diva passe derrière les caméras et joue aussi bien dans Astérix et Obélix que dans des comédies érotiques dans lesquelles elle se dévêt avec une insouciance inouïe.

Les intellectuels la respectent parce qu’elle est à la fois leur fantasme et l’épouse du philosophe Bernard-Henri Lévy. On la prend pour une Parisienne mais elle n’est – de son propre aveu – que "Française d’adoption". Née aux États-Unis par accident, la belle a vécu en Amérique centrale jusqu’à l’âge de 18 ans. Petite-fille de diplomate, et bientôt orpheline, Arielle a grandi dans l’ambassade de France, à Mexico.

"Ma première langue est donc l’espagnol. Quand j’entendais mes parents parler français, je ne comprenais rien à ce qu’ils disaient et je trouvais cela incroyablement sophistiqué. J’ai appris la langue mais j’ai toujours zéro d’orthographe", précise sans gêne la femme de l’écrivain.

Et voici donc Amor Amor, un album-concept pour le moins surprenant, du genre de ceux dont on s’entiche ou qu’on déteste carrément. Un péché mignon pseudo-kitsch, résolument rétro, entièrement voué aux romances mélodramatiques des années 40 et 50. Avec une gueule d’atmosphère, la délicate chanteuse y glorifie un répertoire parfaitement latin que les Occidentaux daltoniens qualifieraient volontiers de désuet, démodé, pour ne pas dire foncièrement "kétaine". Mais comme dans tout ce qu’elle fait – les scènes d’érotisme sulfureux à l’écran, ou les projets de films courageux pour lesquels elle n’hésite pas à passer derrière la caméra -, la Dombasle ira jusqu’au bout.

"Tout à coup, j’ai eu envie de ce retour aux sources, à la mélancolie, à la vulnérabilité. J’adore le compositeur mexicain Augustin Lara! J’écoutais ses chansons à la radio de la cuisine et je me disais que plus tard, quand je serais grande, je pourrais enfin danser des boléros et des rumbas sur des terrasses tropicales. Mes parents écoutaient plutôt du Beethoven et du Rachmaninov. Ces chansons étaient pour moi tout à fait torrides parce qu’elles promettaient les ivresses de la passion." Et elle se met à chanter Cuando Calienta El Sol haut et fort dans le salon du Hyatt, emportée encore une fois par ses souvenirs d’adolescence…

L’album restitue ce son nostalgique, cette espèce de candeur de l’époque. Double disque d’or en France, il ne joue toujours pas sur les radios de l’Hexagone. Un disque entièrement acoustique, enregistré complètement live avec des musiciens pur-sang d’Amérique latine. "Je ne voulais pas d’assemblage, ce n’est qu’ainsi qu’on pouvait avoir ce son de vérité. On a tout capté avec un micro des années 40, en utilisant des machines archaïques." Le résultat? On a l’impression d’écouter un vieux vinyle 78 tours tout abîmé. Une sensation qu’ignorent les enfants qui téléchargent des fichiers MP3. On appelle ça "la patine du temps". Le directeur artistique Marc Di Dominico, un des principaux artisans du come-back d’Henri Salvador et qui travaille maintenant avec le groupe rock d’Emir Kusturica, a assumé cette prise de risque totale.

Des mélodies extrêmement sentimentales qui sont à la fois les classiques locaux et la musique du peuple. Avec, bien entendu, des cœurs brisés, des amours malheureuses, des drames et l’orgueil. L’air de dire: "Moi je ne vais pas ramasser les morceaux de mon cœur que tu as complètement brisé."

"C’est très lié à la mode. Il y a eu des années dures, des années punk, des années no future. Des années où tout ce qui est sentimental est considéré comme abaissant. Or, même l’érotisme, ça vous affecte. C’est vrai qu’il y a beaucoup de femmes qui lisent en secret des romans d’amour."

Et ce petit rire qu’elle étouffe lorsqu’elle dit ça la trahit un peu, je crois…

Joli jeu de faux-semblants que cet album, finalement.

Rhum and Coca Cola par exemple, qui évoque l’âge d’or du tourisme aux Antilles, est une ritournelle bien moins innocente qu’il n’y paraît. L’opulence de l’Américain et la misère de l’insulaire y sont évoquées avec une subtile ironie.

Les musiciens classiques viennent de Colombie, du Chili, de Bolivie et de Cuba, des pur-sang; une espèce de jardin secret. "C’est un retour vers quelque chose de plus intime, de plus caché chez moi. J’ai fait cela avec l’idée de ma mère qui est morte à 32 ans, une femme si jeune et charmante; j’avais envie de l’évoquer de manière élégante."

Et que dire de sa version d’As Time Goes By? "Beaucoup de gens ont dit sur une mélodie de deux minutes ce qu’ils n’auraient jamais pu dire autrement." Le malentendu, le désespoir d’amour. C’est le plus beau rôle d’Ingrid Bergman!

Pourtant, Arielle Dombasle continue dans le cinéma. Dans le film Quand je serai star (Prix Jean-Vigo 2004), elle interprète une mère insensée enfantine, capricieuse, glamour, too much. Une sorte de "Miss France attardée". Et dans la nouvelle trilogie de Lelouch, Le Genre humain, elle fait une châtelaine, actrice de la Comédie-Française, qui tombe amoureuse de son chauffeur.

Elle joue aussi en chantant. Car sur ce disque, Arielle n’est pas Dombasle. Disons qu’elle incarne Dolores Sugarose, une femme au destin trouble et mystérieux…

Arielle Dombasle
Amor Amor
Sony / BMG