Mara Tremblay : Bien lunée
Musique

Mara Tremblay : Bien lunée

Quatre ans après qu’un papillon fut venu se poser sur sa bouche, Mara Tremblay est de retour avec un disque lunaire et caressant, un baume pour toutes les plaies d’amour. Lumineuse Mara rencontrée autour d’un thé.

« Légèrement fermenté, parfumé à la fleur d’osmanthus, imaginez-vous en promenade un après-midi de vacances, avec des pétales de kwai vous effleurant le visage au passage », lisait-on sur la carte des oolongs. C’est ce thé-là que Mara voulait boire parce que « j’aimerais ça, moi, recevoir des fleurs en pleine face pendant que je me promène quelque part! », sourit-elle, radieuse, assise en plein dans le rayon de soleil. À moins que la lumière ne vienne d’elle?

Luciole phosphorescente, Mara nous revient « armée des cornes de l’abondance« , avec un troisième album suave intitulé Les Nouvelles Lunes, un disque-baume sous l’influence d’une lune bonne, son plus tempéré jusqu’à aujourd’hui.

AU CLAIR DES LUNES

« Ça me sort du corps, ça me fait mal, je t’aime trop / Es-tu aussi épris de moi, je l’sais pas trop / Ça explose, ça implose, c’est-tu ça le bonheur / Quand ça te poigne à la gorge, qu’ça t’étourdit« , chantait-elle, il y a quatre ans, dans une toune belle à faire dresser le poil des bras, Les Aurores. Et puis, Mara, c’était-tu ça le bonheur? « Ben non, ben non, c’est pas dans la douleur, ni dans le désir, ni dans toutes ces cochonneries-là que ça se passe, mais on pense que c’est ça… Quand t’apprécies pas ce que tu as pis que t’as toujours envie d’autre chose, que t’as envie de vivre une autre vie que la tienne… Je suis chanceuse d’avoir la vie que j’ai et d’être là, s’interrompt-elle. J’ai une belle famille, j’ai quelque chose de beau, je fais de la musique et je suis en santé. Un jour, j’ai rencontré un gars qui ne me serait même pas tombé dans l’œil il y a quelques années. C’est la confiance. […] On dirait qu’on n’est pas nés pour le bonheur, faut pas avoir peur de travailler pour. »

Aujourd’hui, si Mara a le regard levé vers les lunes complices, c’est que les démons intérieurs sont morts, un carnage nécessaire manigancé avec les papillons. « Oui, sur Papillons, je tuais mes démons, c’était un album très intérieur, il m’a vraiment fait du bien, il a coupé toutes ces émotions-là… Tsé, quand tu tombes toujours en amour avec les mauvais gars, jusqu’à devenir désillusionnée. Mais maintenant les démons sont morts, je les ai tous tués! »

Et c’est une lune qui est apparue au bout du tunnel. « Je suis contente de tous mes albums, mais Les Nouvelles Lunes, c’est celui qui me ressemble le plus. »

L’ARCHET SHAKE

Le thé est servi, la table est mise pour parler musique, et c’est précisément de ce nectar doré qu’elle buvait lorsque les premières chansons de son troisième effort – dont elle signe paroles, musiques, arrangements de cordes et même de chorale – sont venues à sa rencontre, juste avant la cigogne, la guitare posée en équilibre sur une bedaine ronde d’un deuxième Monsieur Balloune. « Je prenais des petits thés pis je m’assoyais dans ma cuisine avec du soleil, rien n’est sorti douloureusement. »

Autre élément déclencheur, le coup de foudre pour un nouvel instrument. « J’étais à une exposition de jeunes artisans à Victoriaville, et il y avait un luthier qui était là avec sa guitare, la première qu’il ait fabriquée alors qu’il n’avait que 16 ou 17 ans. C’est une guitare sèche, elle est toute petite, hallucinante, je suis tombée en amour avec, ça me fait toujours ça, je tombe en amour avec des instruments. J’en ai commandé une autre, il m’a fait une basse aussi, là j’en ai trois de lui, c’est un luthier extraordinaire, il s’appelle Michel Pellerin. »

Mais que le violon de Mara se rassure, « c’est le premier instrument dont j’ai appris à jouer, y’é plogué là », ajoute-t-elle en déposant une main sur son cœur. « C’est un instrument avec lequel il faut que tu fabriques complètement ton son parce que t’as pas de frets; l’archet est témoin de toutes tes émotions: si t’es nerveuse, l’archet shake, toute l’agressivité passe par là aussi… C’est un instrument précieux parce que tellement connecté sur les émotions, plus que n’importe quel autre instrument. »

LA VOIX EST LIBRE

Mara sait s’entourer de musiciens aussi exceptionnels qu’elle. Olivier Langevin, Yves Desrosiers et plusieurs autres artistes gravitent autour de Mara pour créer un son en apparence simple et dépouillé mais loin de l’être quand on y regarde d’un peu plus près: harpe, contrebasse, trompette, B3, basse acoustique, timbales, violon turc, mandoline, guitare lap steel et surtout, très souvent, guitare slide accentuant l’effet nocturne et lunaire se fondent aux guitares électriques et acoustiques, à la batterie, tamisée, pour un son bien plus souple, fluide et clément que les angles country-rock des précédents efforts.

La voix aussi a changé, moins nasillarde, plus enveloppante, loin du klaxon (dixit Mara elle-même) des débuts. « C’est le fait d’avoir fait une tournée à deux avec Anabel Langevin. Avant, j’étais tellement enterrée, j’entendais jamais ma voix, c’était tellement fort… alors j’étais moins portée à la développer. Maintenant, la voix est mise de l’avant et c’est le show à deux qui a permis ça. » Il faut voir, entendre surtout, cette chouette Mara hululer le mot « lumière » sur Poussières, premier extrait radio.

« Maintenant, la nuit, je dors, je dois me lever à 6 h pour être avec mes enfants. Avant, je tripais sur l’astronomie mais là je peux plus », confie-t-elle, les yeux scintillants, deux étoiles, sans l’ombre d’un regret dans la voix. Pourquoi en aurait-elle, avec cette nuit réinventée, couchée sur un disque aux couleurs psychédéliques, percée de nombreuses lunes généreuses, bienveillantes, pendant que les enfants dorment à l’étage, cette nuit s’ouvrant sur un ciel rose ou orangé qui est la sienne et maintenant aussi un tout petit peu la nôtre?

Mara Tremblay
Les Nouvelles Lunes
Audiogram

Le 6 mai à 20 h 30
Au Vieux Clocher de Sherbrooke