Émilie Simon : Fée des glaces
Émilie Simon nous présente son second album, La marche de l’empereur, trame sonore du film de Luc Jacquet. Une b. o. électro symphonique autour de la glace et du froid, et qui est un sacré rayon de soleil printanier.
Malgré ses vingt-six ans, Émilie Simon a une petite voix d’enfant, un charme fluet d’adolescente timide, et surtout, un immense talent de musicienne aguerrie puisqu’elle est un orchestre à elle seule. Émilie Simon a fait ses premières armes, à sept ans, au Conservatoire de Montpellier: "J’ai détesté la brutalité dans le monde d’enseignement, la compétition…" Mais la musique la passionne, elle poursuit donc ses études universitaires jusqu’à Paris où elle apprend l’histoire musicale, l’orchestration à travers les différentes périodes (avec une préférence pour le baroque). À ses béguins d’enfance pour Joni Mitchell, Kate Bush et les Beatles, s’ajoute la musique classique: "J’adorais Bach, je l’écoutais en essayant de comprendre comment ça passait techniquement et harmoniquement. Mais c’est surtout plus tard, en travaillant les cordes pour mon album, que j’ai vu comment ça sonnait avec un quatuor ou un quintette."
Dès son premier album éponyme en 2003, mature, inventif et riche musicalement, Émilie démontre qu’elle a bien appris de ces longues années d’études. Douée pour l’écriture, les arrangements, la composition, le chant, on parle d’elle comme d’une Björk à la française: "Ça a commencé par la presse, quand j’ai sorti mon premier album, parce que le style de musique que je fais n’est pas extrêmement courant, c’est de la musique électronique, un peu hybride, et Björk en est l’ambassadrice. J’aime beaucoup ses disques. C’est flatteur, mais en même temps, on a chacun notre chemin."
Émilie cherche sans cesse à s’épanouir, à enrichir sa palette pour ne pas se laisser cloîtrer dans un style: "On n’a pas qu’une personnalité musicale, on a plein d’aspects, j’avais la volonté pour le premier album de présenter des choses qui ne soient pas toutes dans le même registre. Faire un album qui ait des rebondissements, des clins d’œil, dans un souci ludique"… jusqu’à reprendre I wanna be your dog des Stooges!
Après un album et des concerts qui l’ont menée jusqu’aux Francofolies de Montréal en 2003, Émilie préparait la suite, en solitaire dans son home-studio, quand le réalisateur Luc Jacquet la contacta afin qu’elle signe la musique de La marche de l’empereur: "Il avait envie de donner à son film une bande-son qui s’inscrive dans notre génération, la musique que l’on fait en 2005 qui est beaucoup plus dans la programmation, d’utiliser les logiciels pour triturer certains sons." Un film qui se déroule chez les manchots de l’Antarctique: "Quand il m’a contactée, je travaillais, pour mon deuxième album, sur la chanson Ice girl, qui utilisait justement des sons issus de la glace, avec des pas dans la neige, et ça me passionnait, j’avais envie d’en faire plus. Heureux hasard." En effet. Surtout lorsque l’on écoute le résultat, évocateur, imaginatif, envoûtant.
Cette fée aux coccinelles fait des merveilles et participe, conjointement avec le réalisateur et le producteur du film, à la création de l’œuvre: "Quand je suis arrivée dans le projet, il n’y avait pas encore d’histoire, que des rushes (140 heures) sur l’Antarctique. C’était la base du projet, et au lieu de juste plaquer de la musique sur des images, ça m’a permis de donner vie à des thèmes en amont, de les laisser vivre, de voir comment ils allaient s’articuler et de les mettre en rapport avec l’image, d’influencer aussi bien la façon de monter, comme le montage a influencé la façon d’écrire, que ce soit dans les deux sens, un dialogue entre l’image et le son, pour créer quelque chose de cohérent." Émilie considère ainsi cette b. o. comme un véritable second album, et non pas un produit dérivé: "Je voulais que ce travail autour de la glace se justifie artistiquement, indépendamment du film, une démarche en soi, qui raconte sa propre histoire."
Pour mettre en mots son histoire, Émilie, qui a beaucoup voyagé en Angleterre, s’est tournée vers la langue de John Lennon: "Au départ je voulais écrire une musique instrumentale, et puis je n’ai pas pu m’empêcher de chanter, et les chansons sont venues naturellement en anglais. J’avais aussi le souci d’être comprise par les différents publics, que ce soit en Italie, en Allemagne. Par ailleurs, des mots comme ice ou snow sont très évocateurs. Pour ces chansons, la langue se passe plutôt au niveau des sonorités qu’à celui d’un héritage culturel." La langue musicale d’Émilie Simon, terriblement lyrique, risque de charmer, dans les années à venir, bien des mélomanes du monde entier. Cette femme-orchestre est un volcan créatif; vivement les prochaines ébullitions.
Émilie Simon
La marche de l’empereur (b. o.)
(Barclay/Universal)