M.I.A. : Mamma M.I.A.!
Créatrice allumée, M.I.A. réunit hip hop, world beat et dancehall sur Arular, patchwork sonore qui fait beaucoup jaser. Rencontre avec la surprenante bombe anglaise d’origine sri-lankaise.
À la suite d’un changement d’horaire de vol, c’est avec quelques heures d’avance que nous arrivons finalement à joindre la Britannique Maya Arulpragasam au téléphone, mieux connue sous le nom de M.I.A. (pour Missing in Action) depuis la sortie de son album Arular, encensé par la critique autant que par l’intelligentsia passionnée d’électronica autour du globe. "L’avion que nous devions prendre a été frappé par la foudre; on doit donc en attendre un prochain", laisse-t-elle tomber avec nonchalance…
En 2001, alors que Maya était sur la route en compagnie du groupe Elastica pour capturer leur tournée sur pellicule, elle se mit à jouer, entre les spectacles, d’un instrument électronique appelé le Roland MC-505 Groovebox, qui permet de créer des chansons très rapidement. Les 13 chansons de son premier album officiel (ou, plus précisément, les démos qui l’ont précédé) furent composées sur son propre Groovebox, à la maison, avant de les amener en studio pour les développer en compagnie de réalisateurs d’expérience tels Richard X, Anthony Whiting, Switch et Diplo. "À l’époque, j’écoutais du dancehall jamaïcain presque tous les jours. Alors, je me suis intéressée de près à cette machine qui te permet de composer des beats très facilement, en commençant par la basse et la batterie. Tu dois comprendre qu’à cette époque, je n’avais aucune notion de ce que pouvaient être une mélodie, une tonalité, 8 ou 16 mesures, je ne connaissais vraiment rien de tout ça… Alors, je me suis mise à chanter au milieu d’un couplet, en essayant de développer de petites phrases mélodiques; c’était vraiment sans aucune logique musicale!" Par exemple, le refrain de Galang, qui surgit de nulle part: "Blaze to blaze, galang a lang alanga / Purple haze, galang a lang a langlang". "Puis, en studio, on y a introduit des sons analogues pour adoucir le tout. Je savais bien que j’étais en cours d’apprentissage et que ça n’était pas un son définitif, plutôt un genre de work in progress"…
Maya découvrit les cultures dancehall et hip hop à son arrivée en Angleterre, vers l’âge de neuf ans, mais en comprit beaucoup plus après un voyage dans les Antilles, plus précisément à St-Vincent et à Grenade, "des îles encore assez authentiques, où on ne retrouve pas encore tous ces clubs Sandals et autres. Un jour, alors que j’étais à l’Église, on m’a fait des remontrances parce que je tapais des mains contre le tempo et non sur la mesure. Le soir même, sur mon quatre pistes, j’enregistrais cette petite rythmique qui me collait à la mémoire parce que je sais reconnaître un bon beat quand j’en entends un", raconte-t-elle.
Sa rencontre avec le DJ américain Diplo fut déterminante pour sa carrière; l’anecdote prouve encore une fois que la fille d’un guérillero tamoul n’a jamais eu froid aux yeux. "Un ami m’avait refilé son "News Flash" et j’étais vraiment très impressionnée. À ce moment-là, je ne connaissais pas grand monde dans l’industrie. Je n’avais pas la prétention de vouloir travailler avec lui, j’étais juste une vraie fan, je voulais seulement le rencontrer. Je me suis rendue au club de Camden où il devait jouer son set de Baile Funk (un genre hybride de rythmes brésiliens rapides et de Bass music de Miami). Et là, après environ une heure de son segment, je suis montée sur scène avec ma chanteuse Cherry et alors que personne ne dansait, Diplo s’est mis à lancer des CD dans la foule. Depuis lors, on est resté en contact." Pour le DJ de Philadelphie, qui avait assurément une longueur d’avance sur sa future collaboratrice, la parution d’Arular, dont il a été l’un des plus précieux collaborateurs, lui a permis de se faire connaître d’un public beaucoup plus large et varié.
La jeune chanteuse s’étonne d’apprendre que son album a fait les premières places des palmarès dits de "musiques du monde". "J’en suis très heureuse! s’exclame-t-elle. Tant mieux si ça rend l’album plus accessible à plus de gens… et tant mieux si ça donne de la crédibilité au genre. Quand on pense à la musique du monde, on s’imagine habituellement un dread qui joue du didjeridou!" (rires) Mais en vérité, mis à part le fait que Maya soit d’origine sri-lankaise, Arular se veut plutôt un collage des styles musicaux à la mode au Royaume-Uni: une base de garage et de grunge à saveur hip hop, sur fond de dancehall. On est tout de même assez loin de la musique indienne classique, quoi… Et parions qu’avec la formation autodidacte qu’elle s’est imposée, M.I.A. et sa musique sont loin d’être prêtes à rentrer dans les rangs…
Le 22 mai avec LCD Soundsystem
Au cabaret La Tulipe
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