Kaiser Chiefs : Chefs de file
Les Kaiser Chiefs sont passés de la queue du peloton à la pole position en moins de six mois. Anatomie d’un carton.
Arrive un moment, dans la vie d’un groupe, où il faut penser à plier bagage. Pas forcément parce que la fin est proche, non, mais bien parce que, à l’approche d’une longue tournée, il y a des valises à boucler. On ne saurait se lancer à la conquête de l’Amérique équipé pour tout costume d’une paire de Levis et d’une chemisette infroissable. À la veille de s’envoler pour le New Jersey, Nick "Peanut" Baines, claviériste des Kaiser Chiefs, n’a pas encore fait son sac. "Ça y est presque, avoue-t-il sans inquiétude. Au fait, il fait bon chez vous? Non? Merci de m’avertir. Je me demandais justement si j’allais prendre mon gros parka. Comme ça je n’oublierai rien…"
Enfin. On ne lui en voudrait pas trop si, d’aventure, le garçon oubliait de prendre ses bigoudis ou sa crème antirides. Pris dans le tourbillon de la pop, on oublie parfois certains détails. Et comme ça tourbillonne solide pour les Chiefs depuis bientôt six mois, les préoccupations liées à la routine quotidienne ont tendance à prendre le bord.
Avouez que, lorsqu’on s’apprête à jouer les têtes d’affiche au mythique festival anglais de Glastonbury et à accompagner la bande à Bono en tournée européenne, on se fout bien d’avoir pensé au dentifrice ou non.
Pour Peanut, le succès remporté par les Chiefs depuis quelque temps n’est pas une surprise: "On a toujours su ce qu’on voulait et on a toujours cru en nous." Le musicien avoue tout de même que, dans cette reconnaissance apparemment instantanée, il y a la récompense à quelques années de galère. Aussi remarquable soit la poussée de croissance qui a propulsé le groupe au sommet des palmarès anglais (l’album Employment y loge depuis 11 semaines déjà), il faut savoir que le quintette de Leeds a erré avant de trouver sa voie.
À une époque moins glorieuse, les Chiefs travaillaient sous la raison sociale Parva et composaient un rock bruyant d’inspiration américaine. Pas fameux, rapporte la rumeur. Peanut en convient. "La compagnie de disques avec laquelle on faisait affaire a cessé ses activités et on a pu récupérer notre matériel avant qu’il soit distribué. Tant mieux. On se cherchait encore à cette époque. On a gardé le même personnel, mais on a délibérément passé tout le vieux matériel à la trappe."
Dans leur nouvelle incarnation, les Kaiser Chiefs se posent en dignes héritiers des parrains Albarn (Blur) et Cocker (Pulp), nobles et célèbres figures de proue de la Britpop. Accrocheuses et faussement légères, les chansons du groupe racontent des historiettes rigolotes ou tristounettes. En cela, elles s’inscrivent parfaitement dans la tradition réaliste implantée par Ray Davies, des Kinks, qui a fait de la chanson le miroir social de son époque.
Sur le plan musical, les Chiefs débordent le cadre imposé par ces influences anglaises pour inclure dans leur palette un large éventail de références pop grand public. Leur façon d’harmoniser et de faire résonner l’onomatopée atteste un amour certain pour les Beach Boys. "Brian Wilson est un dieu pour moi, avoue Peanut. Avec les Chiefs, on s’est mis à jouer de la musique qui fait sourire, qui met de bonne humeur. On travaille beaucoup nos mélodies pour les rendre aussi attirantes que possible. D’où ces "woooooooou!" et ces "lalalala!" hyper accrocheurs!"
Succédant aux Franz Ferdinand, Kasabian et autres Bloc Party, les Kaiser Chiefs assumeront ces prochaines semaines le commandement d’une énième invasion musicale britannique. On a sans doute la mémoire courte, mais il semble qu’il y a un moment qu’on avait vu autant de forces vives débarquer en un si court laps de temps. Jusqu’à Sa Majesté qui visitait récemment l’Ouest canadien. "C’est un véritable British Revival", corrobore Peanut. Indeed, mate.
Vendredi 27 mai
Club Soda
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