Sue Foley : La tentation du blues
Sue Foley incarne plus que jamais le blues au féminin. Sur Change, un album charnière, elle rend hommage à des musiciennes qui l’ont marquée.
Guitariste aguerrie et auteure-compositeure de talent, Sue Foley a acquis, depuis 20 ans, une reconnaissance non seulement au Canada et aux États-Unis, mais dans le monde entier. Originaire d’Ottawa, très vite elle fut plongée dans la musique. Son père écoutait des airs celtiques, son frère, du hard-rock à la Led Zeppelin. En 1985, la jeune femme s’intéressait aux groupes punk britanniques comme The Clash, mais aussi aux Stones dont elle découvrait les premières pièces, influencées par Muddy Waters et Willie Dixon. Peu à peu, son intérêt glissa vers le blues: "Les pièces des groupes de la fin des années 60 étaient très marquées par le blues. C’est lorsque j’ai assisté à un concert de James Cotton que j’ai décidément eu un coup de foudre pour le blues. Je n’avais jamais assisté à quelque chose d’aussi puissant, d’aussi joyeux, d’aussi transcendant. À l’époque, les groupes rock jouaient dans de grands amphithéâtres. Le blues me permettait d’être plus près du public". Puis, Foley prit la route: Vancouver, Memphis, Austin. C’est dans cette ville du Texas que Clifford Antone, propriétaire d’un night-club considéré là-bas comme La Mecque du blues, lui fait enregistrer son premier album, Young Girl Blues, fort prisé par la critique. Suivront sept disques, sur Antone ou sur Shanachie, dont le très beau Love Comin’Down.
En 2004, Sue Foley fait paraître son neuvième album en 13 ans, cette fois sur l’étiquette Ruf (distribuée par Fusion III), Change. Le disque est enregistré en une soirée au Hugh’s Room de Toronto, devant public. Le contexte de création en est un de plaisir. La musicienne fait alterner des pièces en solo et d’autres avec son band (Graham Guest aux claviers, Mike Turenne à la basse, Tom Bona à la batterie). Comme n’importe quelle forme d’art, le blues cherche à évoluer. Le terme "change" revêt plusieurs significations. 1er album acoustique. 1er album en concert. Foley se tourne à la fois vers le passé (en rendant hommage à des musiciens et musiciennes qui l’ont nourrie) et vers le futur (en exposant plus que jamais toute sa vulnérabilité). Les blues de la trentaine diffèrent de ceux de l’adolescence! Le blues permet, à travers la musique, de transformer les expériences négatives du passé en quelque chose qui permette de grandir: "Plus je vieillis, plus je réalise que mes expériences de vie font partie de ma musique. J’ai mûri, j’ai appris des choses, la beauté du blues". Le répertoire de Change présente des chansons sur le désir d’autonomie, les relations amoureuses, la conciliation entre le rôle de mère et le métier d’artiste: Goin’ Down The Road Again, dédiée à cette icône du blues féminin qu’est Etta Bake, Hardworkiing Woman, interprétée par Mississipi Mathilde Powell en 1936, des chansons de son idole, Memphis Minnie. Seule la route peut procurer la véritable liberté. Il faut savoir laisser aller les choses, apprendre à ne s’en remettre qu’à soi: "Jusqu’à l’âge de trois ans, mon fils me suivait partout. Maintenant, j’ai trouvé un bel équilibre entre la maison et la route. Je deviendrais folle si je ne pouvais plus partir en tournée". Sugar In My Bowl, associée au répertoire de Bessie Smith, et Shake ThatThing (Foley) démontrent que le blues aborde toutes les facettes de l’existence dont le désir amoureux, le besoin de faire de l’humour: "Le blues est une célébration des émotions humaines. La sexualité a toujours été très présente". L’une des chansons qui présentent Foley dans toute sa vulnérabilité concerne la mort de son père: Mournin’ In The Morning.
Comme musicienne, Foley est demeurée fidèle à sa Fender Telecaster rose. L’instrument est l’extension de son corps: "Je me sens tellement à l’aise avec ma guitare. Avec ma guitare, je peux dire plus qu’en écrivant ou en parlant, et je sens que je peux atteindre le public". Elle prépare présentement un livre et un documentaire rendant hommage aux femmes qui jouent de la guitare, étudiant les relations qui existent entre elles et l’instrument. Dans la présente tournée, elle joue de l’acoustique et de l’électrique.
Le 28 mai
Au Medley dans le cadre du FestiBlues International de Montréal
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