Maryse Letarte : Parfait alibi
Maryse Letarte séduit de plus en plus le public avec la pop texturée et les rimes engagées de son dernier album Le Motif. Entretien sur les "motivations" de la chanteuse maskoutaine, à la veille de sa première incursion en sol ontarien.
Avec Le Motif, son second album sorti l’été dernier et fort bien reçu par la critique, Maryse Letarte peut maintenant entamer une première vraie tournée avec une équipe solide. "C’est enfin la stabilité que je cherchais. Déjà, c’est pas une vie super stable, faire de la musique, alors avoir une équipe qui reste, qui me suit, c’est vraiment agréable. Ça nous permet d’évoluer en spectacle, note-t-elle en douceur, attablée dans un café du centre-ville d’Ottawa. Sinon, c’est essoufflant pour moi de toujours recommencer à entraîner de nouveaux musiciens." Essoufflant, on s’en doute, puisque cette touche-à-tout, véritable femme-orchestre qui joue de presque tous les instruments sur son album, a fait la conception de son spectacle et assure sa direction artistique, en plus de remplir son rôle d’interprète avec cœur.
Si le succès populaire se fait attendre dans son parcours, c’est d’abord et avant tout parce que l’artiste de 36 balais (qui ne les fait pas du tout) a décidé de bâtir une carrière solide, basée sur la longévité. Elle exprime néanmoins ses frustrations contre une industrie qui ne laisse la place qu’aux élus, notamment dans la pièce Les Robots. "J’ai quand même voulu en faire une chanson joyeuse, célébrer le fait que j’ai une place privilégiée, voir le beau côté. Je pourrais bien chialer que je n’ai pas ma place, mais je ne suis pas en train de me faire brûler à la radio, je suis en train de bâtir une carrière à long terme, qui me ressemble probablement plus."
Ses textes, bien que souvent autobiographiques, racontent des histoires porteuses de messages universels.
Lorsqu’on la questionne sur son engagement et sur le regard qu’elle porte sur ses acolytes du Québec qui prennent parti dans des luttes politiques, elle répond: "J’ai tendance à être engagée, à avoir des opinions, mais je ne suis pas du genre à me mêler de politique; mes notions politiques sont très rudimentaires, je n’ai pas d’expertise là-dedans, donc je ne commencerai pas à aller dire aux gens quoi penser. Je vais plutôt parler de ce que je connais et qui me tient à cœur. Cela dit, je crois que le rôle de l’artiste, c’est de protester, c’est d’être critique, c’est de voir à ce qu’on ne se fasse pas fourrer. Les protest singers, il y en a toujours eu, ça en prend, et j’espère en partie en être une. C’est pas la priorité dans mes chansons, l’émotion passe avant, mais de temps en temps, j’ai une chanson plus engagée qu’une autre. Je vais parler de questions plus générales, à caractère plus social", remarque-t-elle.
PAS À PAS
Porte-parole du Conseil de gestion du bassin versant de la Yamaska (COGEBY), Maryse Letarte offrait en mai dernier un spectacle avec ses invités lors de la fermeture de l’événement Un pas pour la Yamaska. "Jeunes, on riait de ce cours d’eau, on savait que c’était la rivière la plus polluée du Québec, elle n’a pas bonne réputation, note celle qui a grandi à Saint-Hyacinthe. Mais déjà, j’entendais parler du taux de cancer qui était plus élevé à Saint-Hyacinthe. Moi, mon père est mort du cancer. Alors, c’est sûr que ça touche une corde sensible."
Ce qui est surtout frappant à la lecture des textes de Maryse Letarte ou quand on l’écoute parler, c’est cette façon qu’elle a d’ouvrir une porte sur son intimité, sans retenue et en toute simplicité. Ce qui doit se refléter dans ses spectacles, où elle lègue à coups de chansons des petits bouts d’elle-même. "Mes chansons parlent souvent de mes valeurs, alors je ne me tanne pas de les chanter. Acquises très jeunes, ce sont ces valeurs qui nous font prendre des décisions, qui forgent notre personnalité. C’est notre fondation. Alors, les histoires de mes chansons peuvent varier dans la perspective, mais les sentiments restent les mêmes."
Un petit sourire badin apparaît soudain sur son visage: "Une chanson comme Un jour ordinaire, c’est très vague dans le propos. Quand je l’ai écrite, j’étais choquée contre une personne en particulier. J’ai fini par me dire que cette personne ne valait pas la peine que je pense à elle chaque fois que j’interprétais la chanson. Alors aujourd’hui, c’est à une autre personne que je pense. (rires) Et ça me fait du bien."
Est-ce que l’auteure appliquée a toujours la plume sous la main? "Présentement, je suis en mode spectacle, je ne suis pas en mode écriture. Ça veut dire que j’écris les inspirations que j’ai – je les note dans un carnet -, mais je ne m’assois pas pour écrire la chanson comme telle, je suis en collecte d’information… On dirait que pour écrire une chanson, j’ai besoin de savoir que j’ai la vie devant moi, que je n’ai pas de contraintes, que je n’ai pas un rendez-vous à 9 h 15…"
En attendant de nous pondre d’autres bijoux de chansons, la mélodiste douée se trouvera dans l’intimiste Quatrième Salle du CNA le 20 juin, dans le cadre du Festival franco-ontarien, avec ses fidèles musiciens, et avec dans sa valise des histoires, des ambiances et des textures empreintes de soleil et de nostalgie.
Le 20 juin à 20 h
À la Quatrième Salle du CNA
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