Cello : Parler pour bien dire
Cello chante, sur des musiques aux accents des trois Amériques, le pressant besoin de ralentir le rythme d’un monde qui nous avale et de retrouver le "coeur animal" qui puisse nous maintenir en contact avec la nature.
Le nombre croissant de créateurs montréalais témoigne de l’effervescence, du dynamisme et de la diversité culturelle de la scène musicale, dont ils sont en train de transformer le visage. Cello, un auteur-compositeur-interprète d’origine chilienne, en fait partie. Né à Santiago en 1969, il devra s’exiler avec sa famille au Canada après le coup d’État de 1973. Au début de la vingtaine, il fait un voyage en Amérique centrale qui l’amènera à renouer avec ses racines, avec sa langue et à découvrir les cultures autochtones: "Le simple fait d’entendre parler espagnol a eu un effet puissant sur moi. Ce voyage m’a permis de commencer à écrire. Et ça m’a mis en contact avec les nations autochtones."
Cello a récemment fait paraître un disque, Las Palabras Necesarias (Les Paroles nécessaires), dont les textes formulent une critique très virulente à l’endroit de la société: "L’injustice sociale est partout, au parc de La Vérendrye, par exemple. J’ai eu la chance d’avoir des parents qui m’ont parlé de la réalité, qui m’ont traîné dans tous les shows de solidarité. J’essaie d’éveiller." Notre société a perdu le sens de l’Histoire, ce qui fait souvent l’affaire des politiciens, explique-t-il: "On n’y fait plus attention, on ne s’en sert pas beaucoup. Il y a énormément de désinformation. Si l’on sait des trucs, il faut en parler." Cello est très préoccupé par la question du génocide des populations amérindiennes: "Les Mapucas furent la première nation au Chili. Ils ont perdu leur territoire vers 1880, il y a à peine plus de cent ans. Les Incas ont constitué un véritable empire. Beaucoup de gens ont tendance à se rendre en Orient pour trouver les réponses à leur quête spirituelle. L’Amérique est le seul endroit où l’on a oublié les croyances. Des façons de voir Dieu dans l’arbre, dans la pierre…" Ces réflexions portent à croire que des êtres en domineront toujours d’autres, que la démocratie est piégée: "Je ne crois pas que celle-ci soit à la dérive. Pas plus qu’il faille aller à contre-courant. Il s’agit juste de ralentir. C’est difficile de faire comprendre à ceux qui en ont trop de partager. Je continue à croire qu’à force de parler, on peut éveiller les consciences […]."
Cello considère le Québec comme une terre d’accueil extraordinaire: "Mes parents ont décidé de parler le français, ils ont décidé que, dans notre quotidien, on l’apprendrait. Une fois qu’on va vers les autres en s’exprimant clairement, y a plein de barrières et de tabous qui tombent." Avec son fils de sept ans, il parle le "fragnol", un mélange de ses deux langues: "On est tous mélangés. Là où on est rendus, ça passe par le mélange." Au plan musical, les chansons de Cello offrent un heureux métissage: "On n’entend pas nécessairement du folklore chilien ou péruvien. J’aime la nouvelle chanson cubaine des années 70, le cajun de la Louisiane, le rap. Je réussis à entrevoir les liens dans tout ça."
Le 18 juin
Au O Patro Vys
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