Sleater-Kinney : Gueule de bois
Sleater-Kinney s’amène en ville dans la foulée de la parution de son septième album, The Woods. Entrevue avec un groupe féministe moins radical qu’on peut le penser.
Combattre la phallocratie du rock’n’roll: voilà le mot d’ordre que s’était donné une partie de la florissante communauté artistique d’Olympia/Seattle au début des années 90. Inspirées par une femme comme Joan Jett, les formations 7 Year Bitch, Bikini Kill, Calamity Jane et Bratmobile ont, à cette époque, porté le fleuron du mouvement riot grrl, exprimant leur écœurement devant l’inégalité des sexes via un rock particulièrement abrasif.
Quinze ans plus tard, les Yeah Yeah Yeah’s, Gossip et Sleater-Kinney ont appris à canaliser cette énergie destructrice, féminine, en révélant un côté plus accessible de leur style. Mais ce n’est pas parce qu’on puise une partie de son influence au sein du mouvement riot grrl qu’on devient féministe radicale pour autant. "Nous ne nous sommes jamais considérées comme un groupe riot grrl", explique Janet Weiss, batteuse de Sleater-Kinney qui a pourtant lancé plusieurs compacts (dont Dig Me Out et One Beat) sur l’étiquette Kill Rock Star, associée au courant militant. "Avant la formation de Sleater-Kinney, notre chanteuse-guitariste (Corin Tucker) faisait bien partie d’un groupe phare de la vague féministe (Heavens to Betsy), mais aujourd’hui, nos principales préoccupations ont changé. Nous soutenons toujours la cause, mais notre musique passe avant tout. De toute façon, nos pièces évoquent une multitude de sujets et de sentiments, qui débordent du champ des idées féministes."
Lancé à la fin du mois de mai, The Woods, septième album de la troupe originaire d’Olympia mais établie à Portland, reflète bien cette pluralité. Si la première pièce du compact met en scène un canard et un renard à la manière des fables de La Fontaine, d’autres titres abordent quelques réalités modernes comme les mariages ratés et les désagréments de la vie urbaine. Marquant l’arrivée du groupe chez Sub Pop, l’album réalisé par le maître de la pop rêveuse David Fridmann (Mercury Rev, Flaming Lips) approfondit le répertoire de Sleater-Kinney. Toujours mordante, la formation exclusivement féminine semble accorder plus d’importance aux ambiances. Bref, on frappe encore dans le mille par le biais d’une intensité tout indie rock, mais on s’y prend avec plus de subtilité, de ruse et de maturité. "Le titre de l’album découle directement de cette nouvelle approche. Nous avions besoin d’une appellation qui reflétait l’atmosphère sombre, mystérieuse et même mystique du disque. Le jour, la forêt est magnifique et exprime la pureté de la nature, mais la nuit, ce même endroit peut vous foutre la trouille de votre vie."
À l’instar de la pochette de Woods où un rideau rouge se lève sur une scène parsemée de lugubres feuillus, le rideau rouge de La Tulipe se lèvera le 19 juin sur un groupe menaçant et aussi poignant que les forces de la nature. Changement d’ambiance draconien pour les musiciennes alors que Sleater-Kinney accompagnait récemment Pearl Jam lors d’une tournée extérieure à grand déploiement. "Nous avons aimé l’expérience, mais revenir dans de plus petites salles nous fait du bien. Puisque nous jouions en première partie, il faisait encore clair lors de nos prestations. Nous pouvions donc apercevoir les spectateurs manger leurs hot-dogs et leurs nachos pendant nos concerts. Plutôt weird."
En concert le 19 juin
Au Cabaret La Tulipe
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