Bernard Primeau : Combattre la mauvaise éducation
Musique

Bernard Primeau : Combattre la mauvaise éducation

Plus que simple batteur jazz, Bernard Primeau est aussi homme d’orchestre dans l’ensemble jazz qui porte son nom et éducateur culturel. Célébrant ses 20 ans de carrière au sein du Bernard Primeau Montréal Jazz Ensemble, le vétéran s’interroge sur les lacunes de l’éducation populaire au Québec en ce qui a trait à l’art et à la culture.

C’est pour ponctuer ses deux décennies de carrière que le Bernard Primeau Montréal Jazz Ensemble sortait récemment Liaisons. Pour l’occasion, la formation s’est liée au réputé guitariste belge Philip Catherine afin de nous offrir huit compositions originales aux sonorités multiples de jazz moderne, aux teintes parfois cubaines ou brésiliennes. Le sympathique batteur, reconnu autant pour sa maîtrise des baguettes que pour l’animation informative et humoristique qui orne ses concerts, s’est vu décerner le Prix Oscar-Peterson du Festival international de jazz de Montréal pour souligner sa contribution au développement du jazz canadien. Bien que touché par ce signe de reconnaissance, Primeau en profite pour s’interroger sur l’état de la culture au Québec.

"Nous, dans le milieu culturel, on parle souvent de développement de public. Alors, si on arrive avec des gens qui ont 30 ans, qui ne sortent pas, qui ne vont pas au théâtre, qui vont sur Internet et qui ne bougent plus, comment est-ce qu’on va faire sortir ces gens?" se questionne-t-il. Selon lui, cette forme de paresse culturelle s’explique par l’éducation défaillante en matière de culture, surtout auprès des jeunes. "La musique, ça commence au berceau", affirme celui qui offre, depuis plusieurs années, des ateliers pour jeune public où il explique l’évolution du jazz et du blues en passant par le gospel, le swing, le brésilien et le cubain. "C’est aux parents de faire leur job, aussi. Souvent, je dis ça et ça choque les adultes, mais les parents ne sortent pas leurs enfants quand ils ont 8, 9, 10 ans. Ils ne prennent pas l’habitude", s’exprime-t-il d’une voix convaincue qui résonne à travers la quiétude du chic hall d’entrée du Château Laurier. "Deuxièmement, acheter de la musique. Et en bas âge. Parce qu’après ça, il est trop tard."

"Au Québec, la culture jazz n’est pas si développée que ça. Même si on pense qu’avec les festivals et tout ça… Les gens n’ont pas de disques de Louis Armstrong ni de Duke Ellington à la maison. Encore moins de Miles Davis et de John Coltrane. Moi, j’incite toujours les adultes à acheter un disque." Malgré son idéalisme, le batteur est conscient de l’obstacle économique. Mais il interprète cette raison comme un manque de priorités. "Ce que j’entends, c’est que ça coûte trop cher. Aller voir une joute de hockey à 90 $, plus six bières et quatre hot-dogs, c’est jamais trop cher. Mais si vous dites à une famille: "On va voir une pièce de théâtre ou un concert de jazz avec les deux enfants et ça coûte 100 $", là, c’est la panique. Je n’ai jamais compris ça."

Toujours motivé par les collaborations et les projets de grande envergure, Bernard Primeau et sa troupe préparent un projet avec les Violons du Roy pour le Festival international de jazz de Montréal, concert qui fera l’objet d’un prochain album. Cette occasion donnera lieu à une rencontre du jazz et du classique, comme l’album Évolution (enregistré en 2002 avec le quatuor à cordes de François Pilon), qui leur avait valu trois prestigieuses nominations (pour les Félix en 2002 et les Juno en 2003).

[Au Festival International de jazz d’Ottawa]

Le 30 juin à 22 h 30
Au Studio du CNA

Liaisons
Bernard Primeau
(Disques Swing’in Time)