Julie Doiron : Rapports intimes
Musique

Julie Doiron : Rapports intimes

Si Julie Doiron brille dans les réseaux underground, c’est en secret qu’elle fabrique sa musique délicate et spontanée, pendant qu’elle berce Rose, le matin, dans un petit bled perdu du Nouveau-Brunswick. Comme quoi the best things in life are free.

On entre dans Goodnight Nobody, le dernier disque de Julie Doiron paru l’automne dernier, comme dans sa maison, en marchant sur le bout des pieds. Car une impression de grande immédiateté émane de cette livraison toute délicate, comme si on avait accès à des Post-it échangés entre les membres d’une famille, comme si on errait à l’étage en témoin toléré mais exclu pendant que les enfants dorment et que les parents se murmurent des choses très douces à l’oreille au bas de l’escalier. On aime bien faire la fouine dans la maison de Julie Doiron.

"Si on a cette impression, c’est que j’ai réussi, je pense, confie-t-elle par un petit matin pluvieux. Je crois que cette spontanéité, c’est ma force. Peut-être qu’un jour je composerai un autre type de chansons, mais pour moi, c’est plus naturel de faire des chansons… je n’ose pas dire simples parce que même si ça paraît simple, ça ne l’est pas nécessairement. Mais je trouve qu’avec un minimum de mots, une mélodie et une guitare, on peut arriver à faire ressentir une émotion."

À 32 ans, après plusieurs années passées à Montréal, Julie Doiron, yeux bleu-gris, un calme qui apaise, s’en est retournée à Sackville, à 30 minutes de Moncton, dernière ville avant d’arriver en Nouvelle-Écosse. Huit mille âmes y respirent pendant l’année scolaire. "J’enregistre un nouveau disque au mois d’août et je crois bien que le fait de vivre dans une petite ville va changer quelque chose à ma musique. Je compose en marchant, le matin, après que mes enfants sont partis à l’école en autobus, pendant que Rose, la plus jeune, dort encore…"

La bassiste du défunt groupe Eric’s Trip semble bien entourée. Alors pourquoi ce titre un peu tristounet et en même temps vraiment mignon, Goodnight Nobody? "Ce titre vient d’un livre qu’on a beaucoup lu à nos enfants. Ça dit: "Goodnight moon", "Goodnight bears", etc. et à un moment donné: "Goodnight nobody", et la page est blanche. Comme je suis souvent seule, en tournée, et que ma famille me manque, cette page blanche m’a marquée. Mais en même temps, ce n’est pas désespéré, car je sais que je les reverrai. Avant, mes chansons étaient plus mélancoliques et tristes; j’ai vu un changement sur ce disque. Comme si je m’étais engagée sur un chemin nouveau."

Des risques, elle n’a jamais eu peur d’en prendre, ce qui lui vaut un succès d’estime ici mais également un peu partout en Europe où le label espagnol Acuarela l’invitait, en 2003, à enregistrer un split en compagnie des exaltants Texans d’Okkerville River, copains d’étiquette (avec elle sur Jagjaguwar). Très influencée par les premiers disques de Leonard Cohen, par Bob Dylan et Paul Simon, souvent comparée à Cat Power et proche de créateurs de la trempe de Will Oldham, Joanna Newsom, (Smog) et Hermane Düne, Julie Doiron, artiste poreuse, confiante et ouverte, se renouvelle constamment: "Je constate que ma façon de concevoir la musique s’est transformée. Les deux frères d’Hermane Düne, des Parisiens qui chantent en anglais, jouent partout, tout le temps; ils m’ont montré l’importance d’avoir du plaisir à jouer et c’est pour cette raison que je tenais à faire l’album en leur compagnie. J’ai lu la biographie de Bob Dylan, et quelque chose a changé, jusque dans ma technique… Dylan m’a réconciliée avec les accords majeurs.

Avant, quand j’écrivais, c’était un peu comme une thérapie. Maintenant, j’ai plutôt l’impression d’une célébration."

Le 27 juin
Avec Snailhouse
À la Sala Rossa

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