Wilco : Le monde peut attendre
Musique

Wilco : Le monde peut attendre

Les membres de Wilco sont en paix avec leur passé tourmenté. Les pieds rivés dans le présent, ils se soucient peu de leur avenir. Les temps changent.

"C’est la première fois que nous sommes aussi longtemps sans enregistrer quoi que ce soit", confie le bassiste de Wilco, John Stirratt. "Auparavant, il y avait toujours cette urgence de faire de nouvelles chansons; en tournée, nous nous précipitions en studio, il fallait toujours préparer la suite, mais cette fois-ci, et je crois que c’est très sain, que c’est un indicateur encourageant de l’état des choses, nous profitons simplement du moment."

Un moment de grâce, a-t-on envie d’ajouter, se souvenant que la parution des deux derniers albums du groupe de Chicago s’est faite dans le tumulte, la formation cumulant les controverses, les irréconciliables différends et les ruptures. Rappelons, en version écourtée de la petite histoire, la douloureuse séparation du leader Jeff Tweedy et de son ami, le multi-instrumentiste Jay Bennett – réminiscence de l’explosion d’Uncle Tupelo -, le départ du batteur Ken Coomer, puis le rejet du génial Yankee Hotel Foxtrot par la maison de disques de l’époque: écueils scrupuleusement documentés dans le film I’m Trying To Break Your Heart et le bouquin Learning How to Die. Comme si cela n’était pas suffisant, au lendemain de l’incroyable succès de cet album voué aux oubliettes, mais finalement porté aux nues par la critique et le public, ce seront la dépendance de Tweedy aux calmants et son séjour en désintox qui retarderont la sortie d’A Ghost Is Born, fascinant essai élargissant le sillon tracé par son prédécesseur.

Mais les temps changent, et la fabuleuse musique du groupe reprend lentement la place qui lui revient: le devant de la scène.

"Nous jouons beaucoup depuis la sortie de Ghost, énormément, au moins 120 représentations en un an, et je dois dire que c’est sans aucun doute notre meilleure formation depuis la naissance du groupe; à la fois très rock, comme à l’époque de Being There, mais capable de nuances comme jamais auparavant, expose Stirratt. Nous sommes maintenant six sur scène, ce qui nous permet de rendre avec beaucoup plus de finesse les pièces de Yankee Hotel Foxtrot, qui étaient parfois très éprouvantes à reproduire en spectacle. C’est un album très touffu, et même si j’y ai participé, et ce, tout au long de l’enregistrement, j’avais moi-même parfois de la difficulté à en saisir toute la complexité. Par ailleurs, A Ghost Is Born est un disque beaucoup plus organique, plus ouvert, recelant un éventail de possibilités. Les chansons peuvent prendre de l’expansion en spectacle, elles peuvent se déployer autrement qu’en studio, c’est vraiment fascinant."

Bilan de santé positif pour le groupe qui, s’il aligne les dates avec régularité, a toutefois choisi un rythme de tournée plus humain qu’auparavant. "Ce n’est pas très payant, parce que nous ne quittons jamais pour un long moment, mais nous jouons quelques jours et nous revenons à la maison, et ça recommence. Ça nous permet de garder un meilleur contact avec nos familles, d’avoir une vie en dehors de Wilco", explique le bassiste, visiblement soulagé par la tournure des événements, lui qui vit depuis les débuts d’Uncle Tupelo cette étrange dépendance au mélodrame qui accablait son collègue Jeff Tweedy, et qui permettait au groupe d’obtenir une visibilité médiatique inespérée, vu l’attrait pour ces débâcles qui jalonnent toute bonne légende rock.

"Nous discutons souvent de cette nouvelle vie, qui est, avouons-le, confortable. C’est assez inhabituel, alors nous blaguons régulièrement en disant que la pire chose qui pouvait arriver au groupe, c’était le bonheur… (rires) Mais la vérité, conclut Stirratt, c’est que nous avons évacué le mal, et pour une fois, nous nous sentons assez confiants pour attendre avant d’enregistrer autre chose. Le monde n’a pas nécessairement besoin d’un nouvel album de Wilco tout de suite. Il peut attendre."

Le 28 juin
Au Métropolis

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