Zakir Hussain : Orient-express
Le percussionniste indien Zakir Hussain nous fait découvrir l’une des traditions musicales les plus riches de la planète et l’inscrit dans une modernité manifeste, par la rencontre avec l’Occident.
Pour la première fois, le Festival international de jazz de Montréal confie sa série Invitation à un musicien associé à ce qu’il est convenu d’appeler les "musiques du monde".
Considéré par plusieurs comme le maître du tabla indien, Zakir Hussain a, depuis plus de trente ans, participé à plusieurs aventures majeures de la scène musicale, particulièrement Shakti et Remembering Shakti aux côtés du guitariste John McLauglin. Hussain exprime avec une extrême humilité sa surprise et son bonheur devant une telle marque de confiance.
Un disque récent, Selects, regroupe des moments forts issus de performances des dernières années, des séries de kaidas, illustrant le vocabulaire et la grammaire du tabla, ou des pièces nouvelles développant l’instrument dans un sens mélodique. L’œuvre est dédiée à Ustad Allarakka, père et premier professeur du musicien : "Ce qu’il m’a surtout appris, c’est d’être un bon élève. Très jeune, j’ai pu côtoyer Elvin Jones. Quand il parlait de cymbales, j’écoutais attentivement. Miles n’a jamais cessé d’apprendre, Coltrane, John McLaughlin. Il y a toujours quelque chose de nouveau".
Zakir Hussain explique comment il a conçu la série de quatre concerts de la série Invitation: "Shakti s’était déjà produit au Festival de Montréal. J’ai pensé que c’était le moment d’élargir et de partager autre chose. L’idée de faire découvrir les racines: la musique traditionnelle classique, le répertoire de percussion. Être soucieux aussi de maintenir un équilibre avec ce que je fais depuis un certain temps, avec Charles Lloyd, par exemple. De plus, en trente ans, John et moi n’avons jamais joué en duo. Je n’ai pas encore réellement exploré les possibilités mélodiques avec John".
Les deux premiers volets de la série seront consacrés à la tradition indienne, d’abord dans son expression classique, avec Ustad Sultan Khan, le maître du sarangui, puis dans son expression contemporaine, avec Bhavani Shankar au pakawaj (l’ancêtre du tabla) et Selva Ghanesh au kanjira (tambourin): "La musique classique indienne remonte à plus de 3 000 ans. La structure du raga existe depuis très longtemps. Aussi, le Nord et le Sud de l’Inde avaient développé des traditions différentes, aux plans des instruments et du langage. Ce n’est que récemment qu’elles se sont rencontrées".
La rencontre entre les musiciens de l’Inde et les musiciens afro-américains ne date pas d’hier. Alla Rakka a joué avec John Coltrane et Buddy Rich. Hussain s’est produit avec des saxos ténors parmi les plus brillants: Joe Henderson, Pharoah Sanders, Jan Garbarek. Pour le troisième volet de la série, le percussionniste invite le saxophoniste Charles Lloyd et le batteur Eric Harland: "À partir de la tradition d’improvisation associée au jazz, il s’agit de trouver une cohérence avec les instruments à vent en concert. Depuis plus de 1 000 ans, des échanges s’effectuent entre l’Inde et l’Afrique. Il y a des façons parfois analogues de raconter des histoires. Dans ce contexte, j’aimerais ajouter l’expression corporelle. En danse, le rythme devient image". Le dernier volet réunira Hussain et le grand complice des années Shakti, John McLaughlin. "John a permis à tellement de gens de découvrir la musique indienne, montrant que nous devons aller à la rencontre d’autres traditions". Zakir Hussain nous laisse sur une réflexion qui met en lumière la puissante relation qui unit sa musique au divin: "Quand nous sommes assis au tabla, nous entrons dans une sorte de mode méditatif. Plutôt que nous qui marquons le temps en jouant la musique, c’est comme si c’était le temps qui nous écrivait".
Du 30 juin au 3 juillet
Avec invités