Buck 65 : Nouveau western
Buck 65 a souvent misé sur une myriade de particules musicales hétérogènes afin de repousser son hip-hop vers une dimension parallèle. Cette fois, il va beaucoup plus loin, et le désintègre.
Suite surprenante au rebondissant Talkin’ Honky Blues, A Secret House against the World ramène Buck 65 aux origines de sa musique, confiant la vedette aux nombreuses influences sonores ou littéraires que le Néo-Écossais d’origine porte désormais en bandoulière, et qui servirent autrefois à mâtiner ses rimes riches d’étranges accents.
Le plus invraisemblable des rappeurs convie donc explicitement les fantômes de Johnny Cash, Serge Gainsbourg, Charles Bukowski et John Fante à la même table que les personnages qui peuplent ses obscurs contes ruraux. Une proposition déconcertante, doit-on avouer. "Je suis content que tu me dises ça, que c’est un disque plus difficile d’approche, expose l’homme derrière Buck 65, Rich Terfry. J’espère être en mesure de toujours surprendre les gens d’un album à l’autre. Si on s’est intéressé à ma musique, c’est parce que je fais les choses différemment, alors la seule manière, selon moi, de maintenir cet intérêt, c’est justement d’atterrir là où personne ne m’attendait."
Justement, on ne s’attendait pas à le voir là, devant la table d’opération, disséquer sa musique de la sorte, isolant pour presque chaque chanson une influence majeure, faisant de l’ensemble de son nouvel album une vaste construction en hommage à ceux qui l’ont façonné en tant qu’artiste. "C’est une chose que j’ai faite inconsciemment, explique-t-il, mais quelque temps après l’enregistrement, je me suis fait la même remarque, la même observation. Si tu écoutes Drawing Curtains, c’est l’influence de Serge Gainsbourg, tu l’entends clairement. Autrement, il y a une pièce comme Kennedy Killed the Hat, que j’ai faite en pensant à Lou Reed, et aux Stooges. Erik Satie, qui a toujours été là dans ce que je fais, refait une apparition ici… C’est vrai qu’auparavant, il y avait plusieurs influences qui se mêlaient les unes aux autres dans une seule pièce. C’est un procédé que je compte reprendre dans le futur, mais pour ce disque, il semble que chacune des chansons était une rencontre, a one on one affair."
Secondé, entre autres, par Tortoise dans la fine confection de cet ambitieux album aux textures nettement plus organiques que celles de ses essais précédents, le Parisien d’adoption ne s’octroie qu’une infime part du mérite qui lui revient, ses textes et son talent de raconteur parvenant pourtant ici à un niveau supérieur, ses musiques prenant aussi du coffre, et de l’âme. Modestie immodérée? "Peut-être, je ne sais pas. Je me suis toujours considéré comme un amateur de musique avant toute autre chose; je ne me considère pas comme quelqu’un qui a beaucoup de talent, mais comme quelqu’un qui a des idées. Il n’y avait pas de musiciens chez moi, mais mes parents étaient des amoureux de la musique. J’en achète presque chaque jour, j’ai une collection assez imposante, c’est une obsession."
"En même temps, poursuit-il, je suis très fier de ce disque, j’aime l’écouter. On m’a beaucoup dit qu’il gagne à être entendu plusieurs fois, qu’on finit par s’y attacher. Et c’est ce que j’espérais. Je ne veux pas faire un disque qu’on aborde facilement mais dont on se lasse et qu’on oublie. Tant mieux s’il est difficile d’approche et si on doit l’apprivoiser. J’aimerais que cet album soit de ceux que l’on souhaite conserver pour la vie."
Le 8 juillet à 19 h 30
Sur le parvis de l’église Saint-Jean-Baptiste