Herbaliser : Fines herbes
Herbaliser lance l’excellent Take London mais commence par prendre d’assaut Ottawa. Rencontre avec Ollie Teeba, moitié scratchante et charismatique d’un duo d’Anglais allumés qui injecte au hip-hop des doses jazzy et funk.
Il y a, chez Herbaliser, cette grande attention portée aux détails et une jolie façon de détourner les clichés associés à certains genres de leur trajectoire habituelle, ceux du hip-hop, par exemple. Est-ce là une préoccupation constante et consciente?
"En effet, nous ne cherchons pas à éviter les clichés à tout prix; nous les utilisons plutôt de manière délibérée dans le but de créer des effets. Par exemple, si Take London était un disque américain, il y aurait des passes de gangsta rap. Il y en a aussi sur le nôtre, mais comme les gens sont moins habitués à entendre du gangster british, ça leur paraît un peu moins prévisible, bien plus frais, en fait."
Quelles différences voyez-vous entre le gangsta rap anglais et l’américain?
"Je pense qu’on a plus de fun de notre côté, qu’on prend toute l’affaire moins au sérieux. Souvent, chez les rappers américains, on sent un certain désir d’en mettre plein la vue, une volonté plus ou moins avouée de faire croire aux gens qu’ils ont vraiment fait ce qu’ils racontent dans leurs chansons."
En écoutant votre album, on se dit que certaines pièces feraient d’excellentes bandes sonores pour des films, Sonofanothamutha et Generals, par exemple. On avait entendu une de vos chansons dans Snatches de Guy Ritchie… Avez-vous d’autres plans de ce côté?
"On a toujours été très inspirés par les bandes sonores de films, celles de Quincy Jones, entre autres. Lorsque l’on fait de la musique, Jake et moi, souvent on s’imagine composer pour une scène imaginaire d’un film qui n’existe pas. Sans blague, nous sommes littéralement assis là à attendre que quelqu’un nous sollicite pour la trame d’un film! (rires)"
Et vous verriez Take London en accompagnement des films de quels réalisateurs?
"Un film de M. Ritchie, de M. Tarantino ou de M. Rodriguez… En tout cas, il faudrait qu’il y ait du sexe et de la violence!"
Dans le genre de Sin City, mettons?
"Oh oui! Nous aurions adoré. Ça pourrait être un film dans lequel une bande de malfrats doués pour les hold-up auraient décidé d’envahir le monde en commençant par Londres!"
Vous avez enregistré Serge, un superbe hommage à Gainsbourg, avec le Français Philippe Katerine. Comment vous est venue l’idée de travailler avec lui?
"Au départ, avant même de plonger dans l’album, on avait enregistré une musique très inspirée de L’Homme à la tête de chou. On l’avait fait écouter à Roots Manuva, qui figure également sur ce disque, et il voulait rapper dessus… jusqu’à ce qu’on lui en fasse écouter une autre! Alors on s’est retrouvé avec cette piste qui ne pouvait rester à l’état instrumental. Jake et moi, on ne connaît pas grand-chose à la chanson française; on est anglais et les Anglais en savent peu à ce chapitre. Mais on sait qu’on a beaucoup de fans francophones, parmi lesquels pas mal de Montréalais. Alors on s’est dit: composons quelque chose pour nos fans francophones. On nous a présenté Philippe Katerine, qui semblait hautement intéressé par le projet. Même s’il a un timbre de voix très différent de celui de Serge Gainsbourg – Gainsbourg avait une voix très basse et sexy, avec ce petit côté bourru, comparativement à Katerine qui, sans vouloir l’offenser, a une façon de chanter bien plus efféminée -, on a trouvé qu’il avait ce qu’il fallait pour faire cette chanson. Mais nous n’avions pas pensé dédier le texte comme tel à Serge Gainsbourg; ça, c’est son idée."
Est-ce qu’on vous invite souvent dans des festivals de jazz? C’est quelque chose qui vous surprend?
"Ça nous arrive assez souvent et je crois que c’est parce que nous intégrons des cuivres et plusieurs éléments jazzy à notre mixture hip-hop. C’est bien qu’on nous invite à jouer dans de tels événements, même si nous ne faisons que tremper notre petit orteil dans la grande piscine du jazz… Ne serait-ce que parce que ça fait baisser la moyenne d’âge, que ça amène des jeunes aux festivals!"
[Au Festival de jazz d’Ottawa]
Le 2 juillet à 16 h avec Bonobo
Au Parc de la Confédération
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