Lila Downs : Terre humaine
Musique

Lila Downs : Terre humaine

La chanteuse mexicaine Lila Downs appartient à ce groupe d’artistes qui n’hésitent pas à affirmer avec fierté leur appartenance culturelle en révélant les traditions musicales de leur communauté et en les exposant à la modernité.

À 35 ans, la jeune femme a déjà produit trois disques remarquables, Tree of Life, Border et One Blood (Una Sangre). Fille d’un cinéaste américain, elle a grandi au Mexique, sur la côte ouest du Pacifique, dans l’État d’Oaxaca, où vivent beaucoup de communautés amérindiennes. Celles-ci occupent une place centrale dans ses chansons. "Dans mon pays, il y a la montagne et la mer, expose Lila Downs. Les gens qui vivent près de l’océan sont plus ouverts; les habitants des montagnes, plus réservés. Ils quittent rarement la montagne. On dit d’eux qu’ils vivent entre les nuages et le ciel."

Le répertoire de la chanteuse est formé à la fois de pièces traditionnelles et de compositions qui, tantôt en espagnol, tantôt en langues amérindiennes comme le zapothèque, expriment un grand amour de la nature. Des études anthropologiques ont amené Downs à mieux comprendre les mythes amérindiens: "De façon générale, je désirais comprendre comment fonctionnent ces animaux culturels que sont les êtres humains." Plusieurs chansons reprennent de puissants mythes, des images véhiculées le plus souvent par les femmes de façon orale, l’idée que la vie des êtres vivants repose dans les mains de la nature.

Le propos principal de Border concerne la migration des travailleurs, particulièrement la main-d’œuvre féminine: "Tout ce qu’on offre aux femmes, c’est de travailler dans des restos. Nous avons de la difficulté à être acceptées. Nous ne sommes ni Irlandaises ni Juives. La position américaine demeure très agressive." La condition des femmes occupe ainsi une place centrale dans les préoccupations de Lila Downs: "Depuis mon tout jeune âge, j’ai vu tant de femmes qui n’ont jamais appris ni à lire ni à écrire et qui n’ont toujours travaillé que comme servantes. Elles ont toujours fait l’objet d’une grande discrimination." Downs a éprouvé beaucoup d’intérêt pour des figures emblématiques de femmes qui ont su tracer leur propre voie, comme l’artiste Frida Kahlo ou l’activiste américaine Mother Jones: "J’ai découvert Frida Kahlo au moment où je travaillais comme tisserande. Tous ces symboles auxquels elle a recours sont d’une force étonnante: à la fois européens et métissés, toujours près du travail manuel, androgynes d’une certaine manière. Mother Jones, elle, a montré que les femmes pouvaient donner du courage aux autres. Le sacrifice auquel elle a consenti est un choix éclairé."

"Vivre en Amérique est un défi, affirme Lila Downs. Mon dernier disque tourne beaucoup autour de cette idée." En effet, One Blood manifeste une grande solidarité à l’endroit des gens maintenus dans un état de pauvreté. Sur le plan musical, la chanteuse met en lumière la parenté qui unit les musiques d’Afrique, de Cuba et du Mexique. Celle qui tisse maintenant les mots et la musique offre un bel ouvrage aux motifs à la fois traditionnels et très actuels.

Le 8 juillet à 21 h 30
À Place Metro (place D’Youville)