David Usher : Pensées composées
Musique

David Usher : Pensées composées

Se remémorant son parcours, David Usher poursuit son chemin, toujours appuyé par une horde fidèle de dévots "moistiens". Entretien avec un chanteur culte qui s’interroge sur l’absence d’empathie entre les gens de croyances et d’idéologies différentes.

"J’essaie de faire des albums qui sont probablement plus introspectifs que tape-à-l’œil, s’exclame en riant un David Usher décontracté. Et je ne serai jamais un "nouvel artiste" dans ce pays, de toute façon. Ce qui m’intéresse, c’est de faire des albums qui me plaisent." Certes, son quatrième album If God Had Curves, premier sous l’étiquette MapleMusic, constitue un retour aux sources après une virée méandreuse. Au menu, thèmes politiques, humanistes et religieux sur des musiques calmes et matures légèrement décorées de fioritures électro soignées et sans artifice. Avec un disque beaucoup plus près de son premier album solo que des deux précédents, David Usher revient à une approche plus acoustique. Et pour cause, il a décidé d’épurer sa voix, plus douce et précise que jamais, porteuse de textes qui dévoilent le tréfonds de l’artiste. "Je voulais que l’album soit plus personnel. Je sentais que je m’étais un peu perdu lors du dernier album (Hallucinations), que j’avais enregistré dans un immense studio. J’ai vécu beaucoup de changements au cours de la dernière année. Ça faisait partie d’où j’en étais."

BERGER ÉGARÉ

Cet aspect songeur et réflexif, David le doit à une multitude de changements qui l’ont affecté, tant au niveau professionnel que personnel. "Quand ma fille était sur le point de naître, ma femme et moi vivions dans des appartements ou des lofts depuis toujours. Donc, nous nous sommes acheté une maison et nous sommes partis sur une tangente folle. Nous nous sommes réveillés un jour et nous avons réalisé, quelques mois après l’avoir achetée, que nous devions la vendre. Nous avions perdu notre direction et, donc, nous avons vendu presque tout ce que nous avions à New York, confesse David avec une dose d’humilité palpable. Une grosse partie de tout ça était dans le but de retrouver un endroit où je me sentirais confortable pour écrire à nouveau. Confortable pour faire de la musique et apprécier le processus de tout ça. Tu peux vraiment te laisser prendre par plusieurs aspects de ce business qui t’empêchent, en quelque sorte, d’apprécier le processus de la musique."

En concomitance avec ces événements personnels, David rompt sa relation de près d’une décennie avec un des cinq grands temples de l’industrie, EMI Music, pour signer auprès d’une étiquette plus indépendante: MapleMusic Recordings. "C’est difficile quand tu changes une relation que tu as entretenue depuis 10 ans. Je sentais vraiment qu’il était temps. Les gens à MapleMusic sont très au courant de ce que tu fais. Ils sont près des artistes." S’éloignant ainsi des valeurs mercantiles de son métier, David Usher s’est donc retrouvé plus près de son entourage, ce qui l’a poussé à cultiver le côté plus spirituel et philosophique de sa personnalité. "Ma fille a définitivement influencé le fait que ma relation avec le monde qui m’entoure a changé. Tu te questionnes sur tout quand tu as un enfant. Tu te questionnes sur ce que tu fais avec ta vie. Tu te questionnes sur tes idées à propos de tes croyances ou de l’absence de croyances. Et les questions ne font que mener à d’autres questions. Je ne crois pas qu’il y ait vraiment de réponses. La vie n’est qu’une série de questions sans réponses", explique-t-il d’un ton songeur.

Tout est dans la recherche de nouvelles expériences créatives pour David Usher. "L’idée d’être un artiste, c’est d’essayer des choses que tu n’as jamais faites avant. Parfois ça fonctionne, d’autres fois, non. Mais pour moi-même, je dois essayer de faire des choses qui sont différentes, qui vont être intéressantes pour moi. […] J’ai utilisé des rythmes drum’n’bass, j’ai utilisé des boucles partout, de l’échantillonnage, j’ai fait des albums rock, j’ai eu de l’opéra sur un album. Il y a certainement d’autres choses que j’aimerais faire. Mais je crois que je les fais."

SI DIEU ÉTAIT UNE FEMME…

Sa perception du monde s’est également modifiée lorsqu’il a compris que la direction que prend l’humanité n’était pas celle qu’il croyait. Cette prise de conscience s’est accentuée lorsqu’il a niché chez nos voisins du sud. "Je croyais qu’on se dirigeait vers une démocratie libérale, mais apparemment, nous n’allons pas dans cette direction-là du tout! Spécialement aux États-Unis, c’est frappant." C’est en quelque sorte cette compréhension de la rigidité du monde patriarcal qui lui a inspiré ce nouvel album. Le titre If God Had Curves y fait habilement référence: "Il y a un aspect de dualité à tout ça. S’il y avait un Dieu et si Dieu était une femme, nous ne serions peut-être pas dans ce merdier. Nous ne serions peut-être pas aussi rigides en tant qu’espèce."

"Ce que je constate, c’est que nous avons vraiment peu de communication. Il y a très peu de communication entre des gens qui croient en des choses différentes." Paradoxalement, pour la production de son plus récent psaume, l’artiste s’est entouré de gens avec qui il partage une énergie et une vision similaires, notamment Jeff Pearce à la coproduction, l’ex-bassiste de Moist qui a suivi David depuis le début de son périple en solo. "Moi-même, j’ai réalisé en produisant cet album que je n’ai pas d’amis religieux, que je n’ai pas d’amis conservateurs. Tout le monde que je connais est libéral démocrate et est complètement laïque. Et ce n’est pas une bonne chose. Pour avancer, il faut que nous nous ouvrions tous un peu plus l’esprit", s’exprime-t-il, contemplatif.

Mais malgré cette désolation par rapport à l’inflexibilité de l’humanité, David Usher se considère plus heureux que jamais, satisfait du chemin qu’il poursuit en tant qu’artiste, particulièrement en spectacle. "Je suis plus heureux que je ne l’ai été depuis des lunes. J’adore être sur la route. Quand je n’y suis pas, je m’ennuie. Quand je ne joue pas sur scène, j’ai tendance à oublier la raison pour laquelle je fais tout ça".

Le 1er juillet
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