The Blind Boys of Alabama : Avec les yeux du cour
The Blind Boys of Alabama, avec cet heureux mélange de blues, de gospel, de soul et de folk, font le pont entre la tradition et la modernité, et font entrer la musique d’inspiration religieuse dans le 21e siècle.
Groupe formé il y a plus de 60 ans, The Blind Boys of Alabama connaissaient déjà tout un succès dans les années 40 et 50. Pendant près de 50 ans, ils parcoururent surtout les circuits de la musique traditionnelle gospel. L’ensemble connut plusieurs mouvements de personnel, mais l’on considère généralement Jimmy Carter, Clarence Fountain et George Scott (décédé en début d’année) comme les membres fondateurs.
Eric "Rickie" McKinnie, avec qui nous nous sommes entretenus, s’est joint au groupe en 1991. Avec l’album Deep River, réalisé l’année suivante, sur lequel The Blind Boys of Alabama interprètent une chanson de Bob Dylan, I Believe in You, et surtout avec Spirit of the Century, qui constitue un point tournant dans sa carrière, l’ensemble de tradition gospel va s’ouvrir à la musique populaire. "Les Blind Boys ont toujours chanté du mainstream, mais les chansons n’avaient pas été diffusées." Dans les cinq dernières années, tout en conservant leur répertoire traditionnel, ils ont repris des chansons de grands auteurs-compositeurs-interprètes comme Tom Waits, par exemple Way Down the Hole, en parvenant à faire ressortir de ces chansons plus prosaïques toute leur profondeur spirituelle. Et ils enregistrent maintenant sur l’étiquette de Peter Gabriel, Real World. "Il connaissait bien ce que nous faisions", précise McKinnie à propos de Gabriel. De Tom Waits, il dira: "C’est un grand auteur de chansons, avec des mots qui portent." De plus en plus, des artistes comme Gabriel ou Ben Harper les rejoignent sur scène. Après Spirit of the Century, viennent Higher Ground (2002), sur lequel ils interprètent des chansons de Curtis Mayfield et Jimmy Cliff, puis Go Tell It on the Mountain (2003), où l’on retrouve la participation de Mavis Staples et d’Aaron Neville. Pour ces trois albums, les Blind Boys recevront le Grammy couronnant le "Meilleur groupe de musique traditionnelle gospel et de soul". En 2004, l’ensemble participe au projet de Ben Harper & The Innocent Criminals, There Will Be a Light. Harper y présente des chansons gospel qu’il a écrites au fil des ans.
Les Blind Boys ont fait paraître récemment Atom Bomb. Plusieurs chansons proviennent à nouveau du répertoire traditionnel: Talk About Suffering, Moses, Faith and Grace: "Ce sont toutes des chansons que nous avons entendues durant notre enfance. Le gospel nous garde près de nos racines." Le groupe interprète une chanson d’Eric Clapton tirée de la période Blind Faith, Presence of God. De Clapton, McKinnie admire la qualité d’écriture: "Il a écrit de nombreuses chansons avec des paroles très sensées." Plusieurs collaborateurs de prestige se joignent aux Blind Boys: David Hidalgo, Charlie Musselwhite, le rappeur Gift of Gab.
McKinnie rappelle la différence entre la tradition gospel du Mississippi et celle de l’Alabama: "À l’époque, les Blind Boys of Mississippi étaient connus pour des pièces à rythme modéré, et les Blind Boys of Alabama, pour des chansons sur des rythmes très rapides." On comprend donc l’intérêt du groupe pour des musiciens capables de chauffer la baraque. Évoquant la mort récente de George Scott, McKinnie souligne à quel point c’est une perte sur plusieurs plans: "Nous sommes essentiellement des chanteurs de jubilé et George était considéré comme le roi du jubilé." Parlant du rappeur Gift of Gab: "Le rap exprime quelque chose du jubilé aujourd’hui." La pièce (Jesus Hits Like the) Atom Bomb s’inspire d’une chanson remontant aux premiers temps de la guerre froide: "Cette chanson, dira McKinnie, a un sens très large. Le monde ne sait plus où il va. Il y a toutes sortes d’injustices. La chanson veut surtout dire qu’il est temps de réagir, de faire quelque chose."
Les Blind Boys seront parvenus à amener la musique d’église dans la rue, faisant ainsi le pont entre la tradition et l’expression de la pop d’aujourd’hui comme le rap. Nous parlons souvent de métissage, en voici un fort bel exemple. Les membres du groupe sont devenus, à 70 ans, des héros pour la jeune génération. Le gospel semble capable d’imprimer un mouvement à l’âme humaine: "J’ai longtemps senti, sans savoir pourquoi, qu’il se passerait quelque chose. Si vous rêvez assez fort, vos rêves deviennent réalité."
Le 1er juillet
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