Les Trois Accords : Combinaison gagnante
Musique

Les Trois Accords : Combinaison gagnante

Les Trois Accords ont bien prouvé qu’ils sont loin d’être l’excentricité éphémère qu’on aurait pu penser il y a près de deux ans. Catapultés en un temps record sous les projecteurs, ils se laissent aujourd’hui porter par la vague et goûtent aux aléas de la célébrité.

Apparitions dans les talk-shows les plus populaires, ventes impressionnantes pour leur Gros Mammouth Album, rotation continue dans les radios et à MusiquePlus, nomination aux prix Juno, contribution à l’hommage à Beau Dommage aux côtés d’éminentes figures de la musique, performance au concert canadien du Live 8 le 2 juillet dernier à Toronto et première partie des Rolling Stones cet automne… Les Trois Accords semblent être nés sous une bonne étoile; jusqu’à maintenant, leur destinée n’aurait pu connaître meilleur sort.

On s’en souvient pour l’avoir surentendue, c’est avec la désormais quasi mythique Hawaïenne comme carte de visite qu’ils ont pris place dans le paysage musical. On croyait que la blague, aussi bonne et percutante fut-elle, n’allait pas faire long feu et que l’essoufflement surviendrait inévitablement un jour ou l’autre. Eh non! Les hits se sont succédé avec un enthousiasme similaire, prouvant qu’outre leur humour, ils avaient aussi à offrir un solide aplomb musical. Il y eut donc Loin d’ici, Saskatchewan, Lucille et, maintenant, Turbosympathique.

Rarement une formation émergente, n’ayant à la base aucune, mais vraiment aucune intention commerciale derrière la tête, se sera imposée avec autant de fracas. Dans la dernière année, le quintette originaire de Drummondville a ratissé le Québec à plus d’une reprise, se produisant devant des assistances sans cesse plus imposantes sans pour autant bouder les événements de plus petite envergure. "On a une conception de notre travail qui passe presque exclusivement par le live, nous explique le batteur Charles Dubreuil. Notre philosophie, c’est de réussir à atteindre les personnes une par une. Oui, les radios nous ont aidés à devenir ce qu’on est aujourd’hui, mais ce qui a beaucoup contribué à ça, c’est de ne jamais cesser de tourner. De commencer par des salles de 12 personnes pour en être rendus à faire des festivals de 12 000 personnes. Et on passe encore plus de temps à parler avec les gens et à leur signer des autographes qu’à faire des spectacles."

LA RANÇON DE LA GLOIRE

Le seul bémol, s’il y en a vraiment un, à cette fulgurante ascension dans le cœur des Québécois serait selon eux de s’être rendu compte du clivage existant entre les milieux underground et populaire. Autrefois adulés dans les petits réseaux parallèles, ils se retrouvent aujourd’hui boudés par certains qui voient le milieu de la pop comme un axe du mal où les concessions règnent et où la liberté artistique devient brimée, voire inexistante. Un phénomène qu’ont aussi connu les Cowboys Fringants, par exemple. Pourtant, ces groupes ont su plaire sans avoir eu à se plier à quelque diktat du marché ou à exécuter quelque courbette que ce soit. "Dommage que ce milieu-là refuse le fait que les choses puissent se faire autrement en 2005. Ce serait impossible pour nous d’être plus authentiques et de marcher plus indépendamment: on planifie chaque date de spectacle et on en choisit 100 % du contenu. On fait tout, nous sommes nos propres gérants. Si ces gens étaient dans nos souliers, ils en seraient probablement très heureux. Mais je peux très bien comprendre d’où vient ce réflexe de trouver très uncool d’être populaire, car j’étais le premier il y a quelques années à tenir le même discours. Ils ont raison d’être méfiants, mais il y a moyen d’être reconnu sans se faire étouffer."

RÉSISTER À LA PRESSION

Après que le public et les médias se furent amourachés à une vitesse folle de ces garçons fort sympas, ce fut au tour des gens du milieu d’y aller de leurs marques de reconnaissance et de confiance en les invitant à contribuer au disque-hommage à Beau Dommage, auquel ont aussi participé les sœurs McGarrigle, le Susie Arioli Band, Isabelle Boulay, Carol Egan, Paul Piché, Daniel Boucher et bien d’autres. "On s’est tellement battus longtemps pour démontrer que nous étions des artistes avec de réelles visées musicales, et pas juste des aspirants musiciens au cheminement humoristique. Ça a été long avant que les gens comprennent que Les Trois Accords, c’était d’abord un groupe rock avec un ton un peu drôle. Il a fallu user d’une certaine prudence pour que le monde en arrive au constat que les mélodies et les constructions se valaient en elles-mêmes. Qu’on nous approche pour ce projet fut très flatteur, mais en même temps on ne savait pas trop quoi faire pour que la toune (Ginette) ne sonne pas trop comme une parodie et pour éviter que le monde nous perçoive encore comme des clowns. Cela a été un beau défi, on y a mis beaucoup de sérieux et on a énormément travaillé pour en arriver à cette version."

Avec une telle attention portée sur eux, ne sentent-ils pas que les attentes pour le second album prennent des proportions vertigineuses? "C’est en effet un peu épeurant d’y penser, admet-il. Mais chaque fois qu’on entre dans le local de pratique et qu’on fait une nouvelle toune, elle nous reste dans la tête pendant des jours… C’est bon signe, je crois. Et on sent depuis deux ou trois semaines une certaine effervescence artistique; il y a un nouveau ton qui est donné, on sent une nouvelle drive. Mais pour le moment, on n’a pas assez de temps pour bien s’y consacrer. Assurément que cet automne et cet hiver, on va prendre le temps de faire ça comme il faut."

Malgré le succès, la vie suit son cours normal et n’en est pas pour autant devenue ultra trépidante. Ils s’en réjouissent d’ailleurs grandement: "On a un super bel équilibre, on sait maintenant quelles sont nos limites et ce qu’on est capables de faire pour avoir le maximum d’énergie les soirs où on donne un show. Les gens de notre étiquette (Indica) comprennent parfaitement la manière dont on souhaite travailler, alors ça nous donne le temps de nous reposer, de voir nos amis, nos copines, de faire le party, d’organiser des barbecues ou des parties de golf…"

Voilà donc à quoi ressemblera l’été des Trois Accords. Pour la suite, on verra bien si le futur se fera aussi fabuleux pour ces cinq jeunes hommes qui, jusqu’ici, ne semblent pas avoir été trop déroutés par le cours des événements.

Le 16 juillet à 21 h 30
Sur la scène Bell (plaines d’Abraham)
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