Lily Frost : La désincarnation
Musique

Lily Frost : La désincarnation

Difficile à cerner, Lily Frost a longtemps été intangible, comme le personnage d’un conte à la fois kitsch et sinistre. Entretien avec Lindsey Davis, qui transparaît progressivement à travers son alter ego chimérique.

Voilà presque un an qu’est paru Situation, troisième effort de la princesse du lounge-pop à la fine voix coquette et au sobriquet de Lily Frost. Depuis sa rupture avec la formation swing et mambo The Colorifics, l’univers de la Canadienne bilingue se constitue d’un mélange de jazz-lounge à saveur latine, souvent sombre, incendiaire et délicat. "Mon style est un amalgame de tout ce que je trouve beau et romantique. Par exemple, les films étrangers m’inspirent beaucoup à cause de leurs dialogues et de leurs atmosphères. J’aime créer une atmosphère un peu comme un film noir et blanc, un sentiment d’intimité éclairée à la chandelle où je murmure ma vérité à ma meilleure amie."

Cette tendance à l’imaginaire en cinémascope, elle le tient de sa découverte de la culture filmique européenne. "Quand j’habitais à Montréal, de 1989 à 1993, je fréquentais le Cinéma Paris. Je me tenais avec un groupe de Parisiens qui se repaissaient de films européens. Ça m’a propulsée dans un nouvel univers parce que j’ai grandi dans un milieu de foutaises d’Anglo-Saxons blancs de la classe moyenne et ça m’ennuyait. Je ne pouvais plus regarder un autre Dick Tracy et manger un autre hamburger; je préférais mourir!" s’exclame-t-elle en riant. Lily Frost ne se cache pas de puiser dans la fantaisie du septième art pour écrire. "Les paroles de mes chansons proviennent souvent de films que j’ai vus. Spécialement de films sous-titrés parce que c’est écrit, donc c’est comme si je pouvais simplement les soulever de l’écran et les insérer dans ma mémoire."

Mais le personnage laisse de plus en plus place à la personne qui l’incarne. Graduellement, la Lily Frost excentrique et troublée devient plus concrète et sans artifices. "Avant, je faisais des spectacles immenses avec des lumières, des danseurs et du multimédia. J’ai décidé de laisser tomber cette façade et d’offrir quelque chose qui était plus représentatif de moi. Lily Frost devient donc de moins en moins un personnage." Il faut dire que Lindsey Davis a goûté au spleen de l’éloignement pendant plusieurs années, période qui est maintenue révolue. "À Vancouver, j’étais tellement loin de chez moi. Je n’avais aucune famille, j’étais déracinée. L’écriture de chansons venait souvent d’une partie sombre de moi. Comme si, quand j’étais affolée ou bouleversée par une situation avec mon amoureux, des amies, ma mère ou une maison de disques, ma façon de m’en sortir était d’écrire des chansons. C’était ce qui me sauvait."

Son contexte ayant changé, elle ressent un regain de confiance et d’optimisme. "Je suis mariée maintenant et je vis à Toronto où toute ma famille est installée. Je ne ressens plus autant ce traumatisme. Je me sens bien atterrie. Je veux offrir quelque chose qui va aider, au lieu de me vautrer dans mon propre chagrin!" Maintenant bien disposée, elle vient tout juste d’entreprendre l’enregistrement d’un nouvel album qu’elle souhaite disponible en janvier prochain. "Ça devrait être encore plus honnête, cru et dénudé." Prometteur.

Le 16 juillet
Au Black Sheep Inn

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