Martha Wainwright : Point de fuite
Musique

Martha Wainwright : Point de fuite

Il y a chez Martha Wainwright, au-delà des incontournables filiations, un réel – et singulier – talent d’auteure compositrice, de documentariste du réel où, conjointes, poésie et mélodie agissent comme une sorte de révélateur.

Martha Wainwright

n’y échappe pas. Le clan, la famille. Le frère superstar, la mère et la tante iconiques, le père mythique: il fallait s’y attendre, la sortie du premier album de la petite dernière ressemble de plus en plus à une réunion de famille tant les médias invoquent ce pedigree. Tantôt comme une bénédiction, tantôt comme un fardeau, tantôt comme la source d’incontournables comparaisons, ou tout cela en même temps.

"Je comprends ça, les journalistes cherchent un angle, une manière de raconter l’histoire, et là, elle est toute désignée. Est-ce que je vais me fatiguer d’avoir à subir ces comparaisons au fil du temps? C’est possible, mais pour le moment, s’ils parlent de mon disque à cause de mon nom, de qui je suis, c’est tant mieux, Et puis, je n’ai pas honte, je suis fière de cet héritage, de cette filiation", lance-t-elle depuis son appartement de Brooklyn, terre d’un exil nécessaire pour la Montréalaise qui tournait visiblement en rond sur son île.

Ne cherchant ni porte de sortie ni faux-fuyants devant des questions parfois embarrassantes, Martha Wainwright a choisi la vérité comme leitmotiv. D’ailleurs, "All I wanted, was to do everything in truth", chante-t-elle sur la cathartique Bloody Mother Fucking Asshole. Une envie de "vrai" qui donne des dents aux chansons de cet album éponyme, chroniques parfois caustiques des turpitudes d’une "vingtenaire" aux prises avec des problèmes personnels à résonance universelle. "C’est ma tante Anna (McGarrigle) qui m’a donné ce conseil un jour: "Si tu dois écrire tes chansons, fais en sorte que ce soit vrai, sinon ça n’en vaut pas la peine." […] C’est certain qu’il y a des gens qui sursautent en m’entendant prononcer certains mots, certaines phrases un peu crues, mais je crois que c’est surtout parce que c’est de la musique folk. Pas seulement parce que je suis une femme, mais parce que je ne joue pas avec une guitare électrique", avance-t-elle.

Mais la franchise n’est pas qu’histoire de vocabulaire ou simplement de gros mots. Elle est aussi en trame de fond de ses textes: fugaces moments de désespoir, passagère haine de soi ou malheurs amoureux qui témoignent de difficiles années à se chercher sans toujours se trouver, mais aussi à vouloir se définir comme musicienne, comme auteure et compositrice dans une situation familiale qui aurait pu faciliter un parcours qu’elle a elle-même semé d’embûches, imposant ses conditions, le timing, ne cherchant pas le succès, mais à atteindre une situation artistiquement confortable.

"Attention, précise-t-elle cependant. Ces chansons ne sont pas désespérées. Elles peuvent paraître assez noires, c’est vrai, elles témoignent d’une certaine période de ma vie qui n’était pas facile, elles en sont le miroir, mais elles ont toutes une ouverture à la fin, elle se terminent sur une sorte de note positive."

Comme cet album magnifique dont on a envie de croire qu’il agit lui aussi comme une ouverture, la conclusion lumineuse à une époque sombre. Un interstice s’ouvrant sur l’affranchissement d’une auteure compositrice désormais libérée du lest qui la confinait au plancher.

[Au Bluesfest d’Ottawa]
Le 15 juillet à 21 h 30
Sur la Scène MBNA Grassroots
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