Buyu Ambroise : Haïti, mon pays
Le saxophoniste Buyu Ambroise rend hommage aux riches traditions culturelles d’Haïti, à sa musique populaire. Il nous fait ainsi découvrir les créateurs essentiels d’un jazz authentique qui se maintient bien en vie dans la diaspora.
Le musicien new-yorkais d’origine haïtienne Alix "Buyu" Ambroise quitte Haïti pour le Congo avec sa famille vers la fin des années 60, dès l’adolescence. C’est le début d’un exil qui l’amènera par la suite à s’établir à New York. Au milieu des années 80, le guitariste Alix "Tit" Pascal sera l’un des premiers à fusionner les racines traditionnelles de la musique haïtienne avec le rock et le jazz. Il formera le groupe Ayizan dont Ambroise fera partie. Mais c’est son grand ami, le pianiste Ernst Marcelin, qui exercera sur Buyu l’influence la plus marquante. Ensemble, ils participeront au projet Freefall, aux côtés du célèbre percussionniste Bobby Senabria.
En 2004, Buyu Ambroise réalise un disque, Blues in Red, sur lequel il rend hommage à l’histoire du jazz d’Haïti et à ses grands musiciens. Il reprend plusieurs pièces traditionnelles dans un contexte où le hard-bop fait la fête avec les rythmes typiques des danses haïtiennes. L’une d’entre elles, Konbit Zaka, un worksong, évoque la parenté qui unit les Noirs d’Haïti et ceux des États-Unis: "Si vous allez dans l’arrière-pays, les montagnes, les champs, dans les coopératives, vous allez entendre des chants similaires. Certains rythmes sont utilisés pour appeler les dieux, pour leur demander de veiller sur les récoltes." Par ailleurs, l’histoire du jazz montre les liens étroits qui ont prévalu entre la Louisiane, Cuba et Haïti: "Plusieurs propriétaires d’esclaves ont quitté Haïti pour se réfugier à La Nouvelle-Orléans. Haïti a joué un rôle vital dans le développement de la musique de cette ville."
Sur Red in Blue, Buyu Ambroise reprend des classiques de quatre musiciens qui ont contribué au développement du jazz moderne et de la chanson en Haïti: Issa Saieh, Raoul Guillaume, Webert Sicot et Manno Charlemagne. Il rappelle en quelques mots l’apport de chacun d’entre eux: "Issa Saieh a été l’un des premiers à revisiter le folklore. Il s’est exprimé dans le contexte du big band, comme Duke Ellington. J’aime la façon dont il fait sonner les cuivres. Raoul Guillaume, lui, a réussi à développer un petit combo au moment où il n’y en avait que pour les grands orchestres. Webert Sicot est le plus grand virtuose du saxophone. Personne n’avait improvisé comme ça avant. Quant à Manno Charlemagne, c’est un auteur-compositeur-interprète engagé qui dénonce les inégalités sociales."
Buyu Ambroise exprime beaucoup de solidarité à l’endroit de ses ancêtres: "Se souvenir du passé est très important. Haïti a chèrement payé le prix de la démocratie." Comment les musiciens exilés à New York se sentent-ils? "Nous réalisons que l’idée de retourner vivre en Haïti tend à s’estomper. La situation là-bas est tellement invivable. J’ai toujours voulu retourner en Haïti pour me situer davantage par rapport à une culture que j’ai laissée derrière moi si jeune. Les gens de la diaspora éprouvent tous ce même sentiment." Le regard posé sur les conditions qui prévalent actuellement en Haïti (les désastres naturels, la pauvreté, la délinquance, le manque d’intérêt de la part des puissances occidentales) peut être désespérant: "Je vis quand même avec de l’espoir. Les Haïtiens ont une forte capacité de résilience. Ils finiront par sortir de ce cycle de violence." Buyu Ambroise s’amène au Festival International Nuits d’Afrique avec la conviction profonde que la musique peut faire quelque chose: "Le Festival donne la possibilité d’entendre des voix d’ailleurs, de partager des cultures, des expériences. Je pense que le monde ressent de plus en plus un sens d’appartenance à la planète."
Le 17 juillet
Dans le cadre du Festival Nuits d’Afrique
Au Kola Note
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