Louis Lortie : Un air d'été
Musique

Louis Lortie : Un air d’été

Le pianiste québécois de renom Louis Lortie sera en visite à Ottawa, à la fin du mois, l’instant d’un happening musical unique dans son été qui lui a laissé plus de répit qu’escompté. Court entretien.

À l’invitation de Julian Armour, le directeur artistique du Festival international de musique de chambre d’Ottawa, Louis Lortie revient pour une troisième fois à ce festival qu’il estime beaucoup. "Ce que j’aime à Ottawa, c’est la démocratisation des participants. Ce n’est pas un festival de vedettes. Ce ne sont pas les noms qui comptent, mais bien la musique", explique le pianiste pour qui la musique de chambre est synonyme d’été.

Armour lui ayant offert carte blanche, Lortie s’informe de la liste d’invités et jette son dévolu sur le St. Lawrence Quartet, qu’il connaît pour l’avoir entendu sur les ondes hertziennes et pour qui il a une grande admiration. "Je les trouve superbes. C’est magnifique qu’un quatuor, canadien en plus, puisse survivre ainsi. C’est tellement un genre difficile, d’abord voyager, puis progresser à quatre pendant autant d’années, ce n’est pas évident. Et le marché est féroce; il y en a tellement de quatuors, pas au Canada, mais à l’échelle mondiale, note le sympathique pianiste, joint au téléphone. Et puis, j’avais entendu André Laplante jouer un quintette de Brahms avec eux et j’étais un peu jaloux. (Rires.)"

Au programme, donc, le St. Lawrence Quartet interprétera le quatuor à cordes en ré majeur de Mozart et le quatuor à cordes en fa majeur de Ravel en introduction, alors que Louis Lortie se joindra à eux pour la seconde partie avec le quintette en mi bémol majeur de Schumann. Une pièce qui peut se "monter sérieusement en peu de temps", selon le pianiste, détail crucial puisque les deux parties ne se rencontreront que la veille du concert.

Rendez-vous qui comble le pianiste de bonheur, lui qui a eu des vacances imposées cet été en raison de la grève de l’OSM: ses concerts ayant été annulés. "J’étais déçu mais, en même temps, c’était une bénédiction puisque ça m’a donné la chance d’avoir de vraies vacances, chose que je ne suis pas assez intelligent pour avoir programmé moi-même! (Rires.) Le destin l’a fait et ça a été une très bonne chose", remarque-t-il.

Dans le cadre du festival d’Ottawa, une table ronde ainsi qu’une conférence seront organisées sur la raison d’être de la musique classique dans la vie et sur l’avenir de celle-ci. Stimulé par le sujet, la pianiste commente: "Je trouve que toute la philosophie de l’art est maintenant trop axée sur une surenchère de l’offre du public! On adopte le même langage pour la musique que celui des affaires, il faut toujours qu’il y en ait plus, que ça se développe… On s’inquiète des chutes de ventes de musique comme des valeurs à la bourse!" s’insurge Lortie, donnant en exemple l’arrivée du disque compact qui a fait grossir l’industrie en un temps record. "Les artistes en ont bénéficié, ça a rapporté, ça a fait des gains, puis un moment donné la grosse bulle a dégonflé; les gens ont eu des bibliothèques pleines de CD et ils en ont eu marre de dépenser leur argent! On ne peut pas toujours demander aux gens de consommer!"

Ce qu’il déplore néanmoins, c’est que la diffusion de l’art s’oriente de plus en plus vers des méthodes passives. "L’éducation musicale est importante. Ça ne se donne plus dans les écoles, on laisse ça entre les mains des familles et ça commence à s’effriter; il y a moins d’occasions pour les gens de s’installer le soir comme autrefois pour faire de la musique." Il ajoute que l’industrie classique doit affronter la baisse générale d’intérêt et la problématique du rajeunissement de son public. "Ce n’est pas toujours présenté de façon très attirante, j’en conviens, tout est fait de la même façon qu’il y a 50 ans. Ça devient ennuyeux, c’est sûr qu’il y a une certaine sclérose", conclut-il.

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MAJESTUEUX FESTIVAL

Toujours aussi grandiose d’année en année, c’est une 12e édition colorée que nous propose, du 23 juillet au 6 août, le Festival international de musique de chambre d’Ottawa, le plus grand de ce genre au monde. En tout, 120 spectacles seront présentés en deux semaines aux quatre coins de la région de la capitale nationale. À souligner parmi ceux-ci, la venue exclusive, de la Russie, du Quatuor Borodine, qui présentera l’intégrale des quatuors de Chostakovitch, dont le dernier spectacle se donnera à la lueur des bougies. "Nous avons plusieurs concerts de musique du monde telle que de la Perse, de l’Inde, du Brésil, du Bali…" note l’altiste de renom Guylaine Lemaire, conjointe du directeur artistique Julian Armour, acceptant de faire un tour d’horizon du Festival.

Autres venues incontournables: Peter Schickele propose son P.D.Q. Bach, le Quatuor à cordes Emerson, le Canadian Brass, le Trio à cordes de Vienne, le Trio Gryphon, le Nash Ensemble et plusieurs autres. Un spectacle sera aussi consacré à des compositeurs de musique populaire ayant déjà composé de la musique de chambre, soit Billy Joel, Frank Zappa, Paul McCartney, Andrew Lloyd, Alec Wilder et autres. "Ce n’est pas du cross-over, ni un compromis. On souhaite plutôt démystifier la musique de chambre, montrer que ce n’est pas que pour l’élite… Et c’était une façon intéressante pour nous de la rendre plus accessible", note la musicienne. Deux concerts seront également donnés dans le cadre de l’exposition Léonard de Vinci, Michel-Ange et la Renaissance à Florence au Musée des beaux-arts du Canada. Sans oublier les nombreux concerts extérieurs à Rideau Hall, les concerts pour enfants et tous les autres qui mettront à l’honneur des artistes d’ici comme d’ailleurs. Pour connaître l’horaire de toute la programmation: www.chamberfest.com.

Le 30 juillet à 20 h avec le St. Lawrence Quartet
Au Dominion Chalmers United Church
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