Retour de son : Se souvenir des belles choses
Retour de son, tous festivals confondus, nos journalistes font le tri dans leurs souvenirs et racontent les meilleurs moments de ces 10 jours de fête.
CUFF THE DUKE
14 juillet au Pub Saint-Alexandre (Festival Off)
C’est devant une salle comble et fort réceptive que le jeune quatuor d’Oshawa Cuff The Duke a servi pour une première fois à Québec son élémentaire mais combien ravigotant country-rock. Et contrairement à son album éponyme (qui sortira le 26 juillet sur Hardwood Records), pouvant exiger quelques écoutes avant d’en tirer une juste appréciation, le charme et l’efficacité de la formule scénique auront su opérer illico, merci à l’enthousiasme d’un public néophyte, à l’énergie et à la cohérence des musiciens, puis au grand talent de l’ingénieur de son. Des ludiques pianotages de Poor John Henry aux mitraillades de Telecaster sur Belgium or Peru, la bande aura vite transformé le Pub Saint-Alexandre en vieux saloon pour une bringue à tout casser. (Patrick Ouellet)
TINARIWEN
11 juillet à place D’Youville
Le premier coup d’œil a de quoi surprendre: mur de guitaristes-chanteurs, immense bassiste, percussionniste en transe et doux mirage de la choriste au timbre embrasé, tous accoutrés en Touaregs rebelles du désert malien qu’ils sont. Connaissant quelques bribes de leur rude histoire d’exil et d’errance nomade, on s’imagine aisément les AK-47 planqués derrière les Twin Reverb, et l’on se laisse d’autant plus imprégner par les regards brûlants émanant de scène. Mais si le soleil baissant tape sur la nuque, la musique frappe davantage; les rythmes et chœurs hypnotiques semblent souffler directement du Sahara, les six cordes amplifiées générant un savoureux anachronisme "trad bluesé" assorti d’une poignante rencontre entre deux mondes pas si lointains. (Patrick Ouellet)
DANIEL LANOIS
7 juillet au Parc de la Francophonie
Avec une aisance qui n’est jamais surfaite, Daniel Lanois a exprimé la polyvalence de sa palette musicale aussi diverse que mystique. Toujours effacé derrière une voix à demi voilée, c’est avec l’attention qu’il accorde à ses amours, sa Gibson et son Église (la pedal steel), qu’il a forgé, à son rythme, une interaction contagieuse avec son groupe. Revisitant The Messenger et Jolie Louise, il a su plaire, ne nous privant pas de son côté ambiant, quasi hypnotique, et de passages instrumentaux évolutifs, comme cette improvisation en duo avec Josh Klinghoffer, son batteur attitré pour la soirée. Aucun guitariste ne peut jouer avec autant d’assiduité en regard de l’acoustique et du trop-plein sonore qu’on doit lui faire subir. Lanois, le magicien. (Antoine Léveillée)
CALEXICO
17 juillet à place D’Youville
Nul autre moment n’aurait été plus approprié que cette chaude soirée d’été pour qu’opèrent la magie et le doux dépaysement de Calexico qui, pour l’occasion, a insufflé à la place D’Youville des airs gorgés de jazz, de country et de mariachis particulièrement bouillonnants et survoltés. Pour leur deuxième passage à Québec, le groupe d’Arizona a choisi de remiser ses pièces aux atmosphères plus sombres et plus introspectives pour mieux se consacrer à un répertoire hautement rythmé et énergique, et pour donner une tournure très rock à la prestation. Visiblement en très grande forme, Joey Burns (chanteur et guitariste), John Convertino (batteur) et leurs nombreux acolytes ont autant su combler les amateurs de longue date que conquérir le cœur de ceux venus pour les découvrir. (Clémence Risler)
PIERRE LAPOINTE ET LE CONSORT CONTEMPORAIN DE QUÉBEC
11 et 12 juillet au Grand Théâtre
Le spectacle Le Consort contemporain de Québec invite Pierre Lapointe représente un bel exemple de ce que des festivaliers de plus en plus nombreux recherchent en salle. À la manière de grands metteurs en scène de théâtre, Guillaume Boulay et Nicolas Jobin font une lecture fort pénétrante de l’œuvre de Pierre Lapointe. Les arrangements font ressortir à merveille le regard lucide que l’auteur porte sur la vie, sa grande tendresse, son attachement à l’enfance, l’esprit ludique de ses chansons. Au paradis des billes, Octogénaires, Plaisirs démodés, Môman dis-moi pourquoi, Debout sur ma tête font frissonner. Tel un seul homme, une chanson pourtant grave sur la solitude, chantée a cappella, suscite l’ovation debout. L’auteur-compositeur-interprète se prête admirablement au jeu des 13 musiciens qui se mettent au service de son œuvre en bousculant, avec une belle insolence, les règles et conventions. (Denys Lelièvre)
CHARLÉLIE COUTURE
10 juillet à place D’Youville
Il y avait bien longtemps qu’on avait vu Charlélie Couture en concert au Festival. De mémoire, c’était à l’époque du Parc de l’Esplanade. Nerveux, Charlélie? Du moins, n’a-t-il rien laissé paraître en vieux pro qu’il est, même s’il s’agissait de la première sortie du nouveau spectacle. Accompagné d’un quatuor de musiciens hors pair, il livre l’essentiel de son nouvel opus Double vue, dont Killer zoom zoom, Appel à l’aide, Eugène le gène, Imbécile heureux, Tourne en rond, et revisite des anciens succès comme Oublier, Le Loup dans la bergerie, Media panic, Le Fauteuil en cuir. Il termine pour notre plus grand bonheur avec Comme un avion sans aile, la chanson qui a changé sa vie, dira-t-il. Un Couture en pleine possession de ses moyens. On en redemande. (Gilles Tremblay)
XARXA TEATRE
14 juillet sur la rue Saint-Jean
Le Xarxa Teatre nous a offert un des moments les plus extraordinaires du Festival d’été. Cette nuit-là, la troupe espagnole a semé le chaos sur la rue Saint-Jean à coups répétés d’étincelles, de fontaines pyrotechniques et de pétards. Entre corrida et bacchanale, Xarxa Teatre nous a présenté une procession surréelle et inquiétante dont le tempo assourdissant était martelé par le son des percussions. Les milliers de festivaliers présents furent envoûtés par le feu et la musique. Ils se sont alors adonnés à un étrange ballet en cherchant à éviter les projectiles enflammés tout en criant des Olés! d’approbation! Un événement unique qui rappelle les origines du Festival d’été: dans la rue et gratuit! Espérons revivre pareille expérience dans un avenir proche… (Patrick Caux)
BUCK 65
8 juillet à l’Église Saint-Jean-Baptiste (Festival Off)
Femmes enceintes, babyboomers errants, nuitards traquant l’événement, babas cools persillés, preppies gominés et autres mélomanes en tous genres s’étaient pressés sur les marches du parvis de l’Église Saint-Jean-Baptiste pour voir et entendre le Buck parisien décliner les horreurs du monde en faisant la démonstration d’une science hip-hop dont il détient le secret. Consultant discrètement son bréviaire pour prêcher aux convertis, il aura offert la plus fascinante prestation de ces 10 jours de fête, tous festivals confondus. En s’appuyant principalement sur les compositions de son plus récent effort (Secret house against the world), sans oublier de saupoudrer quelques incontournables (Centaur, Roses & Bluejays, Wicked and Weird), le Buck aura encore su faire opérer son charme vieille école, ne comptant que sur deux tourne-disques et un microphone pour faire vibrer ses accablants contes ruraux. (David Desjardins)