Susie Arioli : La mélodie du bonheur
Musique

Susie Arioli : La mélodie du bonheur

Susie Arioli et Jordan Officer célèbrent leurs dix ans de scène et invitent les amis musiciens avec qui ils ont grandi, mais aussi le grand public, qui a su trouver dans leur naturel un puissant tonique.

C’est la fête du Susie Arioli Band. Déjà dix ans de carrière. Dix ans qui auront passé vite, mais qui furent fort remplis. Des concerts partout. Suivre l’itinéraire du groupe fait presque redécouvrir la carte géographique du Québec. Comme Oscar Peterson à son époque, Arioli et Officer écrivent, au présent, une belle page de l’histoire du jazz au Québec. Esprit ludique, innocence, goût de la fête. Dix ans d’une belle histoire d’amour avec l’Anglicane, la première salle où ils ont joué dans le grande région de Québec, qui leur donne carte blanche: "La formule avec invités permet aux musiciens d’exploiter différentes possibilités, et d’en tirer le plus grand profit. Y en a avec qui on a toujours eu des liens musicaux très forts, avec qui c’est très organique."

Le Susie Arioli Band convie donc le public à une série de trois concerts, dont le premier avait lieu le 21 juillet. Une grande rétrospective qui représente en quelque sorte un survol historique. Au fil des ans, le Susie Arioli Band a pris différentes formes. Les musiciens invités ont tous joué un rôle important dans l’évolution du band. Le concert du vendredi 18 août met en vedette Michael Jerome Brown (voix, guitare). Cet Américain d’origine, véritable encyclopédie du blues, est vite devenu une référence incontournable à Montréal: "Michael va exploiter quelques chansons de ses disques: du cute old jazz swing time", alors que l’instrumentation du concert du 4 août rejoint le présent avec Danny Roy (saxophone), qui explosait sur That’s For Me.

That’s For Me, justement, représentait à la fois une continuité et une évolution. Arioli et Officer désiraient à tout prix éviter d’être enfermés dans le swing, dans une formule. Depuis cinq ans, ils ont gagné de l’assurance. Leur curiosité, leur enthousiasme, leur énergie les ont amenés à transcender les genres. Leur musique offre plus que jamais une variété de styles liés au jazz des années 20, 30, 40, 50, mais qui ont parfois pour nom blues, rock’n’roll, country, western, pop. Voix, cordes, percussions et cuivres y festoient, des Boswell Sisters à Peggy Lee, du stomp de Fletcher Henderson à la guitare d’Al Casey. Mais l’album That’s For Me boucle sans doute en quelque sorte un cycle: "Ça nous aura pris quelques disques pour comprendre. Cette série de concerts permet de revisiter les chansons. On est en train de préparer le prochain album, on se demande comment reproduire le charme, tout en se renouvelant. À l’occasion de ce 10e anniversaire, on a réalisé qu’on voulait faire quelque chose de différent et on apportera quelques changements. Le groupe passera de quatre à sept musiciens: un percussionniste (pour me libérer un peu) et deux chanteurs. Sur le disque, il s’agira des frères Jayson et Sheldon Velleau. Ils viennent de Calgary, ils ont beaucoup travaillé en duo. Ce qu’on aime des chanteurs issus d’une même famille, c’est qu’ils chantent ensemble de manière très naturelle. Jayson et Sheldon utilisent leurs voix discrètement, juste pour donner une couleur, créer une texture. Par moments, leurs voix sonnent comme un cuivre, ou encore comme un violon."

Pour Susie Arioli et Jordan Officer, les catégories s’effacent plus que jamais. Ce que le jazz a de mieux à offrir, n’est-ce pas la liberté? "Sur le prochain disque, nous ferons une pièce de Fred Astaire, By Myself, et deux nouvelles pièces instrumentales de Jordan. Surtout, nous toucherons au country-pop des années 70, autour de six ballades de Roger Miller." Ce dernier est décédé en 1992, à l’âge de 56 ans, d’un cancer de la gorge. Il était aussi proche de Hoagy Carmichael que de Hank Williams. En 1965, ce fut l’instant de gloire avec le hit King of the Road. Voix grave s’il en est une, semblable à celle de Barry McGuire des New Christy Minstrels. À la fin des années 60, début 70, au lieu de se concentrer sur le country, il renoua avec les racines du honky-tonk. Comme Jordan Officer, il sera multi-instrumentiste: guitare, banjo, violon. Il laisse un fort héritage, mais peu exploité: "Peu de gens ont repris ses chansons. Bien sûr, nous reprendrons King of the Road. C’est tellement coloré."

Le succès de Susie Arioli et de Jordan Officer ne leur a pas monté à la tête: "On ne peut que se sentir encouragés par ces gens qui nous aiment. Nous recevons beaucoup de courriels, de lettres qui nous permettent de ressentir un lien véritable avec notre public. Cela donne à notre carrière toute sa légitimité." Le public aime bien le rapport amoureux que vivent les deux musiciens sur scène, sorte de family affair: "Une grande part de ce succès vient de cette spontanéité, de cette attitude très naturelle. Nous poursuivons tous les deux la même quête. Pour nous, et pour le public, la scène permet une sorte de catharsis." D’une part, le bel artificier des sons, de l’autre, une voix qui donne à l’âme un visage.

Les 4 et 18 août
À l’Anglicane
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