Christophe : Le chanteur qui penche
Christophe est touché par la grâce ponctuellement depuis 30 ans. Comm’ si la terre penchait, chef-d’œuvre d’électro mélodieuse, avait séduit en 2001 critique et public français. À notre tour maintenant.
Oubliez Les Marionnettes et Aline. Christophe, en 2005, ce n’est plus du tout ça. Même s’il gardera toujours un fond blues, c’est le rock anglo-saxon qui l’anime depuis les années 70, période au cours de laquelle il enregistra une poignée d’albums rock léchés et somptueux (Les Paradis perdus; Les Mots bleus; Le Beau Bizarre, réédités récemment en France, mais introuvables au Québec). Précurseur du home studio, Christophe s’explique sur l’écart entre ses premières chansons, très traditionnelles, et le nouveau son qu’il cherchait à obtenir: "Pour Les Paradis perdus, c’était une cassure avec le côté formaté chanteur/arrangeur. J’ai tout arrêté parce que ce n’était pas du tout mon feeling, et je suis entré dans les synthétiseurs, mon petit home studio personnel. À l’époque, il fallait bricoler. Après, il y a eu les machines qui nous ont permis de tracer ce que l’on avait dans la tête, en allant toujours plus loin, dans l’infini. C’est ce qui est bien dans la création. En peinture, je serais surréaliste."
Christophe vit à fond dans son laboratoire musical, en apnée, superbement libre: "J’essaie de prendre du plaisir à créer, à m’étonner moi-même avant les autres, à écouter l’aboutissement de quelque chose qui varie entre la magie et la destinée. Je ne suis pas quelqu’un qui cherche à être à la mode, donc je fais ma recherche, je suis dans l’expérience, je tente des synthèses de machines, d’instruments, on reste dans l’inexplicable." À la manière de L’Imprudence de Bashung, on ne peut expliquer la beauté incendiaire, magnétique de son dernier album studio, Comm’ si la terre penchait, avec son piano hypnotique, ses envolées de cordes, l’électro mélodieuse, une voix venue d’ailleurs. Comm’ si la terre penchait fascine, créant un univers en suspension, dans une bulle hors du monde: "C’est un disque qui compte beaucoup pour moi, il est plutôt autobiographique. Même lorsque je travaille avec un parolier, c’est toujours moi qui donne le fil de l’émotion."
Et l’émotion, chez Christophe, est toujours là. Il pose un regard oblique sur les choses, créant un climat d’étrangeté permanent que l’on retrouve d’ailleurs chez son cinéaste fétiche, David Lynch: "En France, on disait toujours que j’étais insupportable. Quand on est décalé et qu’on a une vraie personnalité, on détonne naturellement sur les gens. J’adore les choses décalées." Ainsi, impossible d’avoir des précisions claires sur son album en préparation, sur des rééditions ou un coffret intégrale à venir, Christophe esquive: "Je suis complètement enfermé dans la création, je ne m’occupe jamais du marketing." Sa démarche est celle du chercheur, une quête toujours à recommencer: "J’aime beaucoup l’improvisation. Je ne suis pas un professionnel, je suis un amateur, un artisan qui cherche toujours quelque chose de nouveau." Comme une terre qui penche.
Le 31 juillet
Avec Daniel Darc
Au Club Soda
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