Daniel Darc : Voyage au bout de la nuit
Musique

Daniel Darc : Voyage au bout de la nuit

Daniel Darc nous offrait l’an passé un éblouissant disque de rock littéraire après que la grâce soit venue se poser sur son épaule, un album qui rend compte de l’exigence de sa quête, comme humain, comme artiste… Comme punk.

Durant les années 80, Daniel Darc chantait dans le groupe Taxi Girl, avait une gueule de James Dean européen et une attitude jusqu’au-boutiste inspirée du mouvement punk new-yorkais. Pour vous situer rapidement, Indochine assurait la première partie de Taxi Girl et Taxi Girl, celle des Talking Heads. Né Rozoum, l’auteur-interprète français remportait l’hiver dernier la Victoire de la Révélation de l’année pour Crèvecœur. À 46 ans. Après des années de galère dans ce milieu, trois albums solo dont le premier en 1987, des collaborations diverses et respectables (Étienne Daho, Bill Pritchard), quelques échecs commerciaux, pas mal de désillusions et de désenchantements. Certains ont trouvé la situation ironique, ont grincé des dents et souri jaune. Mais pas Darc: "Bah, je suis content d’avoir reçu ce prix, tu vois, c’est bien…"

"J’ai rencontré Frédéric Lo et c’est la personne qu’il me fallait à ce moment-là. On a commencé par enregistrer une chanson qu’on destinait à la chanteuse Dani (ndlr: Rouge rose), ça s’est passé vachement bien alors on a continué. Je pense qu’on se complète bien: moi j’ai tendance à être un petit peu sauvage entre guillemets et lui c’est le contraire." Au bout de cette collaboration est apparu un disque dont on a dit un peu partout qu’il était auréolé de grâce, un chef-d’œuvre de rock littéraire comme peu de rockers savent en faire (merci à Patti Smith dont le souffle échantillonné puis joué au ralenti sur Élégie #2 marque le déroulement de cette chanson en une pulsation anxiogène), un album qui tourne autour de l’idée de rupture comme un grand faucon fatal autour d’une lapine effarouchée, et laisse entrevoir qu’entre Gainsbourg et Lou Reed, il y a l’exigeant chemin de croix de Darc.

Le jour de l’entrevue, on sentait le chanteur vanné, lointain, un peu fragilisé. Laconique dans ses réponses. Comme les nouvelles qu’il écrit et publie dans des revues littéraires ("Au départ, je voulais devenir romancier"), les chansons de Darc sont des manières d’autofiction, bien plus bavardes que Darc ne l’était ce jour-là… Et comme lui-même cite parfois ses textes en guise de réponse, nous avons interrogé les textes de Crèvecœur qui, en si peu de mots, en révèlent tant…

Il y a, dans le livret accompagnant le disque, vos croquis du Christ – mais aussi le dessin d’un fusil. Plusieurs chansons renvoient à l’idée de prière, vous bouclez Crèvecœur avec le psaume 23… Avez-vous la foi?

"Prier, je n’ai jamais su / Pourtant, j’ai essayé tant et tant. (Si tu vas là-bas)

Lentement je joins les mains / Espérant à peu près tout / Pourtant rien ne vient." (Un peu c’est tout)

Avoir la foi, ça tient à quoi pour vous?

"Tout mène à tout / Et rien ne mène / Nulle part […] / Tiens ton âme en enfer / Et jamais ne désespère." (La Main au cœur)

Malgré cette lumière possible, l’espoir et la prière, il y a aussi les regrets, la douleur et la nuit dans vos textes. Trouvez-vous qu’on y voit bien plus clair une fois que le soleil n’est plus là pour nous aveugler?

"Dans l’obscurité de mes jours / Dans la clarté de mes nuits. (Si tu vas là-bas)

Mon amour, la nuit ne dure pas / Le soleil détruit tout chaque fois / Il se fout de toi et moi." (Rouge rose)

Ça semble assez compliqué de vieillir quand on est une rock star, un punk… Comment composez-vous avec le temps qui passe?

"Suis-je inutile et hors d’usage / Ou peut-être un peu trop amer? / Sans perle, simple coquillage / Jeté sur le bord de la mer […] / L’automne se transforme en hiver / J’aurais bien aimé être sage / Il est trop tard je désespère." (Inutile et hors d’usage)

Sur votre premier album solo, il était déjà question d’amours impossibles, vous y aviez alors repris Je suis venu te dire que je m’en vais (Gainsbourg). Sur Crèvecœur aussi il en est question… Est-ce que l’amour est condamné à toujours s’évanouir, à demeurer éphémère?

"Combien de roses / À peine écloses / M’as-tu offertes, souviens-toi / Elles sont fanées / Comme ces années / Vécues entre toi et moi […] Rouge sang / Rose ta peau / C’est fini." (Rouge rose)

On sent que des gens comme Patti Smith, Iggy Pop, Gainsbourg, Richard Hell, Hank Williams et Lou Reed vous ont marqué au fer rouge. Qui d’autre?

"Johnny Cash (1932-2003) R.I.P."

Le 31 juillet
Avec Christophe
Au Club Soda
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