Françoiz Breut : Chansons illustrées
Françoiz Breut circule sous le manteau de la chanson française depuis une dizaine d’années. Au Québec, on doit à La Tribu la parution de son troisième album, le splendide Une saison volée. Puisse-t-elle sortir de l’ombre.
Jointe à son domicile belge, la chanteuse-dessinatrice s’explique sur son double métier: "Je continue mon travail d’illustratrice, je dessine sur la route; enfin, pas dans le camion! J’emporte mon matériel en tournée. C’est mon métier au départ et c’est aussi un peu une roue de secours, parce que je sais que la musique, c’est tellement éphémère." Elle est comme ça, Françoiz Breut: elle angoisse mais n’oublie jamais de s’en moquer. Son rire timide et nerveux ponctue l’entretien. Aimable, elle répond même aux questions idiotes, par exemple la prononciation de son nom: "Ça dépend des régions: en Bretagne, on dit Breutte, ailleurs, Breut. Le "z", c’est par coquetterie, je signais mes dessins comme ça."
Tout commence avec le chanteur Dominique A; suivront des disques, des tournées et un enfant: "Un mois avant de le rencontrer, j’avais écouté La Fossette (le premier album, 1992). Ça faisait longtemps que je n’avais pas entendu un truc français qui m’émeuve autant, aussi original, aussi frais." Ouverte, elle venait tout juste de quitter les bancs d’école: "J’avais arrêté les Beaux-Arts peu de temps auparavant, je commençais mon travail d’illustratrice. Et avec Dominique A, on avait un petit groupe en parallèle, les Squad Femelle, je chantais avec une copine américaine, on faisait des reprises de Jonathan Richman, des Kinks, de Blondie, c’était très varié, avec des chansons en français aussi. On a fait des petits concerts dans les bars. C’est comme ça que j’ai pris goût à chanter. Puis Dominique m’a invitée avec lui sur scène et sur ses disques (Si je connais Harry, 1993; La Mémoire neuve, 1996)." Les Victoires de la musique s’en souviennent, ils y avaient chanté en duo Le Twenty-two bar, un tube de Dominique A. Mais celui-ci avait d’autres projets pour sa choriste bien-aimée: "Vers la fin de la tournée de La Mémoire neuve, il a commencé à m’écrire des chansons qui se retrouvent sur le premier album. Je n’avais rien demandé, même que ça me faisait un peu peur de devenir le centre d’intérêt, une fois sur scène; mais la réaction du public m’a donné du courage pour les interpréter."
Un premier album qui sonne peut-être un peu trop comme un disque de Dominique A chanté par une fille pour être totalement convaincant. Sa personnalité musicale restait à définir: "Je n’ai pas écrit du tout pour le premier album. Pour le second, j’ai proposé des bribes de textes, mais devant le peu d’enthousiasme de Dominique, j’ai laissé tomber. Là, j’ai l’intention de m’y remettre, parce qu’il faut changer sa façon de travailler pour moins s’ennuyer; j’ai envie de parler d’autres choses, pas toujours d’amour, je veux creuser d’autres thèmes." Sur le second, Vingt à trente mille jours, une merveille de mélancolie et de rock lent, Françoiz fait appel à des amis musiciens: Jérôme Minière, Pierre Bondu, Joey Burns (Calexico), Yann Tiersen. "La chanson L’Origine du monde, j’ai demandé à Katerine de me l’écrire après avoir entendu une émission de radio sur Courbet." Au fil du temps, en choisissant ses collaborateurs et en les multipliant, se dessinent plus clairement le caractère et les goûts de la chanteuse. Elle prend la place qui lui est due: la première, car, après tout, c’est sa voix qui donne corps à toutes ces chansons, avec ses inflexions tantôt moqueuses, tantôt moroses, toujours de mille nuances. Une voix rare, pour des chansons singulièrement dessinées.
Pour son nouvel album, Une saison volée, Françoiz a proposé un cadre à ses amis collaborateurs: "J’ai suggéré aux auteurs de travailler sur les villes. Depuis que j’écoute de la musique, j’ai toute une collection de chansons qui en parlent, souvent des villes portuaires. Mais ça n’a pas inspiré tout le monde; en bout de ligne, il y a celle de Jérôme Minière, Ciudad del mar et Km 83." Soucieuse d’ouverture et de richesse, elle chante désormais aussi en anglais, en italien et en espagnol: "C’est vraiment à titre expérimental, car je trouve que dans toutes les langues, il y a quelque chose de musical, et j’ai envie de voir ce que ça peut donner avec la musique qu’on fait." Qu’importe la langue, le chant de Françoiz Breut est universel, il rejoint l’âme humaine.
Le 2 août
Zone Labatt Bleue
Le 3 août
Avec Jérôme Minière
Au Spectrum
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