Ariane Gauthier : Chanter la pomme
L’Outaouaise Ariane Gauthier lance un premier album frais comme une brise de fin d’été. Parcours de la carrière déjà longue d’une chanteuse qui a reçu un joli cadeau du destin.
Avec un prénom inspiré par la chanteuse Ariane Voyer (qui a oublié Les Fiancés du lac de Côme?), une maisonnée de Bleuets pour qui la musique est un véritable mode de vie et une mère qui désirait qu’elle fasse carrière dans la musique plus que tout au monde, Ariane Gauthier ne pouvait manifestement échapper à son destin de chanteuse.
À quelques jours du lancement de son premier album, qui avait lieu le lundi 1er août à Montréal dans le cadre des FrancoFolies, on sent la jeune femme fébrile mais parfaitement sereine. À 26 ans, elle a déjà l’assurance des vieux routiers. C’est qu’elle chante depuis qu’elle a… deux ans! "Mes parents viennent du Lac-Saint-Jean, alors j’ai été élevée dans un contexte vraiment typique: tourtières, gros partys de famille… Chez nous, tout le monde joue de la musique. C’est une chose aussi naturelle pour nous que de parler. À l’âge de deux ans, ma mère me faisait même converser en chantant! Je vivais quotidiennement dans une grande comédie musicale, comme dans le film On connaît la chanson!"
Plus qu’une passion, la musique est un véritable moyen d’expression pour cette famille unie. Des chansons sont composées pour les anniversaires, les mariages ou les rentrées scolaires, et interprétées par les parents, frères et sœurs d’Ariane. Baignant dans la musique, celle-ci décide d’entrer au Conservatoire en violon à l’âge de 7 ans. "J’ai passé des auditions et même si je n’avais pas de technique, je savais déjà jouer, j’avais une bonne oreille; alors ils m’ont acceptée."
Puis, à 10 ans, elle prend ses premiers cours de chant et commence sa carrière dans une comédie musicale intitulée Les Chanteurs de pomme. Même si elle suit également des ateliers d’écriture de chansons, l’Outaouaise d’origine ne pense pas, à cette époque, faire une carrière dans le show-business. "Autant c’est normal de jouer de la musique jeune, chez moi, autant c’est également naturel de passer, plus tard, à des choses sérieuses. Comme aller à l’université pour se bâtir une carrière." Quelques années passent, la jeune femme, à 20 ans, s’inscrit pourtant en théâtre musical au Collège Lionel-Groulx. Un choix déterminant pour elle: "C’est là que je me suis enfin rencontrée! Parce qu’auparavant, je ne trouvais pas ma place dans la société. À Sainte-Thérèse, tout le monde était comme moi! Ce fut trois années très intenses: tu y apprends énormément de choses sur l’art, mais sur toi également, c’est presque une thérapie."
Dès sa sortie de l’école, en 2002, elle décroche le rôle de Juliette dans Roméo et Juliette, présenté au Théâtre Saint-Denis. Son interprétation juste et touchante séduit le public et la critique. Après la série de spectacles, elle prend une partie de son cachet pour créer une maquette de cinq chansons de son cru réalisées par François Collard (Ariane Moffatt). Elle frappe à presque toutes les portes des maisons de production de Montréal… en vain. On lui dit que son matériel n’a aucun potentiel commercial. Déterminée à ne pas se laisser paralyser par ces refus qu’elle impute à l’ère star académicienne et au fait que l’industrie l’a déjà étiquetée, elle met de côté son projet de disque et décroche un autre rôle majeur dans la comédie musicale Rent. Le soir de la première, où elle a incarné avec conviction une troublante Maureen, elle reçoit la visite d’un inconnu dans sa loge: "Quand Yves-François Blanchet, de Diffusion YFB, est arrivé dans la loge, je me suis demandé qui était cet énergumène; je ne l’avais pas reconnu. Je pensais qu’il me cruisait! Quand il s’est nommé, disons que mon ton de voix a changé! Ensuite il m’a demandé si j’avais un projet de disque! (Rires) Je n’en croyais pas mes oreilles. C’était inespéré, cette offre est arrivée à un moment où je n’y croyais plus." Le producteur d’Éric Lapointe avait effectivement eu un coup de foudre artistique pour la jeune interprète, qui s’avérera aussi, lorsqu’il recevra la maquette quelques heures plus tard, une compositrice-interprète de talent. Il lui fait signer alors un contrat pour trois disques.
UN ALBUM DE FILLE DES ANNÉES 2000
Mon cœur est une pomme est un premier album de chansons à texte. Très "arrangé", certes, à la française (guitares légères, cordes, cor, accordéon, percussions), mais dont la principale qualité est de laisser toute la place à celle qui se fait surnommer "Ari". Un album de fille, aussi, "très girlie 2005", dira la principale intéressée. Une fille instinctive qui défend ses idées, qui a comme idoles Diane Dufresne et Frida Kahlo, qui ne se laisse pas marcher sur les pieds, qui va se faire coiffer, qui est amoureuse et qui veut fonder une famille. On pense à Mara Tremblay, Catherine Durand, Ariane Moffatt, des artisanes de la chanson qui soignent toutes les facettes de leur art, de l’écriture jusqu’à la conception graphique de leurs albums.
Fait à noter, dans le livret qui accompagne le disque, l’artiste remercie "tous ceux qui m’ont dit non". "Ça n’a vraiment pas l’air de ça, mais je ne l’ai pas eue facile. Dans les grandes ligues, on commence à respirer un peu plus; mais dans les ligues mineures, ça joue du coude, c’est très difficile, surtout pour une jeune fille. Tu ne sais jamais pourquoi exactement les gens s’intéressent à toi. Et puis se faire dire non, ça définit encore plus qui on est, ça nous force à prendre de bonnes décisions, à aller vers les vraies affaires. Ce qui me fait dire qu’il n’y a rien de faux dans ce que je fais." Et les remerciements se terminent par un merci aux gens de l’Outaouais: "On m’a toujours soutenue ici. À partir du moment où j’ai été Juliette, on m’a aimée inconditionnellement et on m’a fait vivre pendant deux ans. Les gens m’invitaient à venir chanter dans des congrès, et même si je n’étais pas toujours brillante pendant ce temps-là, eux me rappelaient qu’ils étaient fiers de moi."
Ariane Gauthier
Mon cœur est une pomme
Diffusion YFB/DEP
Le 4 août
Le Monde Pop Desjardins
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