Sylvie Laliberté : Les gens heureux ont une histoire

Ce jour-là, en plein après-midi sur une terrasse inondée de soleil et balayée par les vents paresseux de juillet, la discussion avec Sylvie Laliberté – artiste visuelle respectée ici et un peu partout pour ses performances et vidéos d’art, qui tricote depuis quelques années de jolies chansonnettes moins naïves qu’il n’y paraît – s’amorce autour de la venue en ville de Plastic Bertrand: "Dans le temps, j’étais une fan, une vraie groupie. J’étais allée le voir en spectacle, il s’était "pitché" dans le public et je l’avais attrapé! Ça fait longtemps de ça, je suis une personne âgée, j’ai 46 ans."

Après un premier effort bien reçu (Dites-le avec des mots, 2000), la sympathique Montréalaise récidivait en 2004 avec le bien nommé Ça s’appelle la vie, joli bouquet de 12 chansons qui, mine de rien, révèlent tout plein de petits secrets et de grandes vérités sur l’amour et la vie mille fois plus efficaces qu’un traité de psycho pop ou un bouillon de poulet pour l’âme des maganés du cœur, par exemple que: "pour aimer il faut aimer aimer".

Sylvie Laliberté, avec sa bouille d’Esquimaude (on dirait la sœurette de Björk), ses remarques tellement justes, son coup d’œil très personnel sur le monde qui l’entoure, son humour décalé et vivifiant, est une fille rigolote et pas du tout ordinaire, contrairement au titre d’une de ses chansons, elle fait partie de ces rares personnes qui peuvent vous parler du bonheur, si vous leur tordez un peu le bras, sans jamais tomber dans le cucul: "Pour moi, ce n’est pas une grosse quête, c’est une petite chose, car je fais dans le petit, de petites chansons… Je sens que le bonheur se trouve près des petites choses…" Les gens heureux n’ont pas d’histoire? "Je dirais plutôt qu’ils ont compris leur histoire, en tout cas, ce serait mon cas. C’est tellement compliqué et complexe, la vie, il y a tellement de niveaux, ce qui fait que des fois t’es au centre d’une histoire, t’es même pas au courant, et ça peut devenir difficile de savoir où t’en es rendu dans la vie."

Difficile, aussi, de déceler les influences de Sylvie Laliberté. Depuis longtemps, dans son armoire à disques, les Birkin, Bardot et Aznavour côtoient Charlebois et Forestier. "Récemment, j’ai découvert Burt Bacharach et Jérôme Minière. Lui, je trouve qu’il l’a, l’affaire." On pense à Brigitte Fontaine dans ses moments d’accalmie. Ses yeux s’illuminent quand on lui parle de Gregory Natale, qui a composé sur mesure pour elle plusieurs des musiques de l’album, dont cette délicieuse "chanson/cheval", Pleurer de l’eau, seule pièce où quelque chose de douloureux remonte à la surface – ce qui met d’ailleurs les 11 autres en relief – et dans laquelle Sylvie Laliberté, qui ne recule somme toute devant pas grand-chose, a le courage de chanter des choses comme: "J’ai mal à moi (…) / J’ai pleuré la nuit / C’est la faute à la vie / J’ai pleuré le jour / C’est la faute à l’amour". De Gregory Natale, elle dira, en pétillant: "Premièrement, il est très beau. (Ricanements, apparition de rougeurs sur les joues.) Il comprend ce qui me va mélodiquement, c’est le fun de travailler avec lui, il joue de la guitare et il rit beaucoup. J’écoute ses mélodies et j’essaie de voir ce que ça peut bien vouloir dire. Il sera du concert aux Francos, avec Éric Rathé (ex-3/4 Putains). J’en reviens pas combien ils sont à l’écoute… C’est ben pratique, l’écoute, pour faire de la musique."

Et comment mademoiselle Laliberté, qui a déjà une longue expérience de la scène derrière elle en raison de ses performances en arts visuels, aime-t-elle aller y présenter son tour de chant? "Je pense que la minute où tu montes sur scène, tu deviens un personnage, un genre de monstre… Mais un monstre gentil, là, très gentil, même."

Le 4 août
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