Warlocks : Juste une petite chirurgie
Musique

Warlocks : Juste une petite chirurgie

Avec Surgery, The Warlocks livrent une belle pièce de rock malade, noirci et égratigné, et nous disent que la beauté existe mais qu’elle s’atteint par des voies artificielles. Il fait noir à Los Angeles.

Dès la première minute de musique et les premières notes de guitare, sur Come Save Us, en ouverture du nouvel album des Warlocks (dans les bacs le 23 août), on sait qu’on tient là un beau morceau bien saignant de rock malade et noirci, on est heureux de voir que les enfants que Sonic Youth a faits au fil du temps se portent bien, merci, poursuivent leur virée dans les limbes et autres paradis opaques, vont jusqu’au bout du chemin en regardant bien haut dans les airs par-dessus l’horizon, nourrissent des désirs de mur du son à la Phil Spector et un copinage sonique avec le Brian Jonestown Massacre et les Blonde Redhead d’avant les dentelles graciles de Misery Is a Butterfly.

On est d’autant plus ravis qu’on s’inquiétait un peu pour la formation à géométrie souvent variable (19 membres sont passés par là depuis les premiers pas du groupe, en 1998). À l’autre bout du fil en direct de Los Angeles, le très sympathique Jason Anchondo, un des deux batteurs, confirme: "Oui, nous avons traversé une période difficile… Juste avant de faire le disque, on a dû se débarrasser de notre bassiste, un joueur extraordinaire qui ne pouvait pas composer avec la vie en tournée. À un certain moment, pendant qu’on enregistrait, il a même fallu que le second batteur le remplace au pied levé, et c’est une des raisons pour lesquelles l’album a été aussi long à boucler, mais la formation s’est stabilisée depuis. En plus de tout ça, on a tous été malades lors de notre dernière tournée européenne, Bobby Heckster (voix et guitare) et moi tout particulièrement. Vraiment malades. T’sais quand la pression dans ton oreille devient si forte qu’elle ne s’en va plus et que tu crains de devenir sourd. Mon ouïe n’est plus aussi bonne qu’avant d’ailleurs… On va tous finir sourds comme des pots!"

Pour ce nouvel opus qui s’amorce avec un désir de salut (Come Save Us) avant de s’évanouir sur une note de suicide (troublante Suicide Note), les Warlocks ont travaillé avec un réalisateur, le réputé Tom Rothrock (Beck, Elliott Smith, Coldplay, Foo Fighters). "C’était la première fois qu’il y avait une autre personne avec nous en studio. Tom Rothrock sait où il s’en va tout en s’adaptant au groupe, sans jamais forcer dans une direction. Ce fut un réel échange d’idées et je sais que Bobby et lui ont travaillé dans une grande proximité."

À l’origine de cet album intitulé Surgery, une certaine idée de l’importance des arrangements denses et pleins (déjà présents sur Rise and Fall, paru en 2001), une affection réitérée pour le bon noise sale, la volonté de remplir tout l’espace par des superpositions de guitares frottées les unes contre les autres, par une section rythmique dédoublée qui vient renforcer cette puissance sonique jamais privée de lignes mélodiques obsédantes, mais plus de nuances dans les textes. "Tu vieillis et tu finis par avoir envie de faire les choses différemment. Je crois que le band est resté fidèle à sa racine, on peut encore clairement identifier le son des Warlocks, mais je dirais que nos textes sont devenus plus signifiants. On a tous évolué… Sinon on finit par s’ennuyer."

Et le désir, partagé par plusieurs formations, de sonner comme un band réuni en studio "et non pas comme si un jour on avait enregistré la guitare, le lendemain le drum, et ainsi de suite, précise Jason Anchondo. Premièrement, c’est vraiment plus le fun. Le niveau d’énergie et d’adrénaline est bien plus élevé que lorsqu’on se retrouve chacun de son côté embarré dans un petit cubicule. Et c’est comme ça que tu ériges un mur du son."

Le groupe prévoit une tournée automnale et fort probablement un arrêt à Montréal. La dernière fois qu’on a vu deux batteurs côte à côte sur une scène, c’était au concert de Caribou, le printemps passé. "Moi, c’est à un show des Dirtbombs à Los Angeles. Ils étaient si synchro, c’était un pur enchantement de les voir aller. Ça me rend très fébrile quand je vois deux drummers réunis… Quand tu joues toi-même, t’en es pas vraiment conscient." Et comment ça fonctionne exactement, deux drummers ensemble? "Comme deux guitaristes… La plupart du temps, nos énergies se mélangent, mais nous avons aussi chacun notre style personnel. Je crois être plus logique et direct que Bob, qui est plus ouvert et technique. On fusionne et ça donne quelque chose de très solide et puissant, on entre dans une transe absolument excitante. En fait, c’est lorsque je me retrouve en solo derrière mon drum que ça me fait bizarre, que je me sens un peu seul, comme si je n’avais plus mon métronome."

Il fait noir, nous disent les Warlocks. Et avec eux, qui peuvent se vanter d’avoir gobé de l’acide avec le grand pape psychédélique Timothy Leary, jammé avec Beck, gagné au billard contre les membres de Blonde Redhead et hébergé Anton Newcombe du Brian Jonestown Massacre sur leur sofa pendant des mois, la beauté existe mais s’atteint par les voies artificielles. It’s just like surgery, it’s just like surgery

The Warlocks
Surgery
Mute
En magasin le 23 août