Windsor for the Derby : Paix aux fantômes
Windsor for the Derby fait la paix avec ses vieux fantômes sur un nouvel opus dans la lignée post-rock atmosphérique qu’il défriche. Rencontre avec deux illuminés qui se posent les bonnes questions.
Le nouvel album du groupe américain de post-rock atmosphérique et expérimental Windsor for the Derby est à l’image de son titre, Giving Up the Ghost, c’est-à-dire doux et embrumé, très intérieur, suspendu entre quelques morceaux de folk disloqué (The Front, Giving Up) et d’autres plages de pop moderne déformatée (Empathy for People Unknown, Praise). On ira même jusqu’à dire que ce nouvel opus est hanté par plusieurs fantômes discrets, une impression confirmée par Dan Matz et Jason McNeely, les deux membres-fondateurs du groupe réunis ce jour-là à Bloomington dans les bureaux de la dynamique et surprenante étiquette Secretly Canadian: "Ces fantômes, pour moi, sont toutes les vieilles relations maintenues en vie artificiellement, des trucs qui traînaient depuis trop longtemps, dont j’ai enfin réussi à me débarrasser, révèle Jason McNeely. J’étais dans un autre groupe que j’ai décidé de laisser tomber, j’ai quitté Austin, au Texas, où je vivais depuis 15 ans. J’ai abandonné tellement d’affaires au cours de la dernière année… Et j’en ai embrassé tant d’autres… Pour le band, je crois aussi qu’il s’agit d’un moment charnière. On a purgé pas mal de choses à travers ce disque. Au départ, on voulait lancer deux EP. Le premier devait s’intituler Giving Up et le second, The Ghost. À force de lire ces deux idées côte à côte, on a fini par les lier."
Un des changements majeurs pour le quatuor qui réunit aussi, outre les deux membres fondateurs chanteurs et guitaristes, Anna Neighbor (basse et claviers) et, depuis peu, Charlie Hall (batterie), c’est que ses deux têtes dirigeantes vivent désormais dans la même ville, à Philadelphie. Aujourd’hui dans la trentaine, amis depuis l’école secondaire parce qu’ils prenaient l’autobus ensemble et s’étaient découvert des intérêts semblables en musique ("À cette époque, Dan portait un macaron de Van Halen!" rigole Jason), les deux comparses autrefois écartelés dans l’espace, l’un à Austin et l’autre sur la Côte-Est, jouissent de cette nouvelle proximité depuis l’été dernier. Dan: "Avant, on voyageait pas mal et on enregistrait quand on le pouvait, c’était moins difficile que ça en a l’air, étonnamment." "Mais depuis qu’on est réunis dans la même ville, on est beaucoup plus prolifiques, poursuit Jason. On compose davantage et c’est plus simple de pratiquer. Enregistrer des disques n’a jamais été un problème pour nous, mais quand venait le temps de partir en tournée, on se donnait rendez-vous une semaine avant de partir sur la route… On est désormais beaucoup plus solides qu’avant en concert."
Parmi les fantômes et autres ombres qui passent en douce sur le disque, on reconnaîtra, sans pour autant que ce soit de l’ordre d’une parenté flagrante, des affinités avec Yo la Tengo, le krautrock, Tortoise, Joy Division dans les moments plus rythmés, Robert Wyatt dans les passages plus éthérés. "On est des vrais music geeks, tant et si bien que nous-mêmes, on n’arrive plus à détecter nos influences principales. Mais je peux comprendre que les gens entrevoient des liens entre notre musique et celle de ces groupes-là. Il s’agit effectivement de bands et d’artistes que nous avons beaucoup écoutés et aimés."
Et sur ce nouvel album lancé la semaine dernière, une recherche de vérité déclarée dès l’ouverture instrumentale intitulée Dirge For a Pack of Lies ("Chant funèbre pour un paquet de mensonges", si on traduit), quelques questions senties autour de la condition humaine et sur ce qui la distingue de la condition animale, avec une ébauche de réponse sur Empathy for People Unknown ("Empathie pour les inconnus"): "Un des motifs récurrents dans nos textes, c’est ce manque d’empathie généralisé pour les autres. Je pense que la plupart des problèmes que nous vivons, aujourd’hui, comme humains, découlent de là. Je ne tiens pas à m’aventurer sur le terrain glissant de la politique, mais je constate que nous, les Américains, souffrons collectivement d’une réelle carence d’empathie et d’intérêt envers ceux qui sont éloignés de nous. Et ça m’affecte."
Le 22 août
Avec Early Day Miners
À la Sala Rossa
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