Les Cowboys Fringants : Cowboys hors contrée
L’image est celle de cowboys québécois avec comme monture des chansons couleur bleu indépendance. Dans la province de Lévesque, ça prend tout son sens. Mais à l’extérieur du Québec, sur quelle monture chantent les Cowboys Fringants?
Le 5 septembre au Parc de la Confédération d’Ottawa, imaginez la scène: entre deux chansons, disons Mon pays et En berne, le chanteur des Cowboys Fringants, Karl Tremblay, pointe l’unifolié et crie à gorge déployée: "On va l’avoir, not’ pays!"
Rassurez-vous (ou désolez-vous, c’est selon), ce n’est pas comme ça que Les Cowboys Fringants dégainent en dehors de leur contrée québécoise. Pour leur troisième virée à Ottawa, la pimpante équipe ajuste le tir, sans toutefois se dénaturer.
"La souveraineté, ça fait partie de notre discours, mais on n’a pas d’œillères. C’est un aspect des Cowboys, mais il y a aussi l’environnement ou les politiques occidentales, par exemple." Ce que le bassiste Jérôme Dupras dit, c’est que plusieurs préoccupations du groupe dépassent les frontières: "L’album Break syndical, c’était très québécisé, d’accord. Mais La Grand-messe, c’est plus global. Nos chansons peuvent être transposées à plusieurs gouvernements. Il n’y a pas juste au Québec que la droite s’est amenée en proposant du changement." En ce sens, une chanson comme En attendant (le reel de nos gens), tirée de La Grand-messe, est une chanson qui se fait plus universelle. "Le monde oublie vite, c’est pas grave/suffit de faire un bon budget/parler de santé pour que les caves/vous réélisent l’année d’après." "Cet écœurement-là, ajoute Dupras, c’est aussi face au gouvernement ontarien, français, allemand…"
D’abord, les Cowboys Fringants vont là on où on veut bien d’eux. Jérôme Dupras: "On ne s’empêchera pas d’aller jouer à Québec même s’il y a un gouvernement libéral au pouvoir!" Comme leurs chevaux de bataille, leur musique n’a pas de frontières. Les Français, notamment, y ont trouvé écho en avril dernier (salle comble à l’Élysée Montmartre de Paris). "Faut comprendre qu’il y a un public pour les paroles, mais il y a aussi un public qui tripe sur la musique ou sur l’aspect cabotin du groupe", suggère le batteur Dominique Lebeau, avant d’en ajouter sur la diversité de leur public: "Il y a plein d’anglophones qui aiment nos chansons. Comme il y a des francophones fédéralistes qui viennent voir nos shows. Parfois, ça remet en question leurs positions, ils nous en parlent, ça crée un débat."
La création du débat, voilà où les Cowboys flinguent avec justesse. Rappel des derniers événements estivaux pour le confirmer: en complémentarité avec une fête de la Saint-Jean gratos qu’ils trouvent vidée de toute saveur politique à Montréal, les Cowboys Fringants organisent un 24 juin plus engagé à 40 $ le billet, réunissant une douzaine de groupes et artistes.
"Quand tu te mouilles, tu ne peux pas plaire à tout le monde", rappelle Dominique Lebeau. À juste titre, puisqu’on les a accusés d’avoir divisé le Québec pour sa fête, d’avoir voulu voler le show aux artistes qui se produisaient au traditionnel spectacle du Parc Maisonneuve, en plus d’avoir fait de cette fête ce qu’eux-mêmes dénoncent: un partenariat public-privé. La polémique est devenue débat. Accusations de certains chroniqueurs dans les journaux concernant la présence sur le site de certaines multinationales vendant ses produits; réplique de la maison de production des Cowboys, la Compagnie Larivée-Cabot-Champagne, dans un communiqué… "Ce spectacle-là n’était pas un choix financier, conclut Jérôme Dupras, c’était un choix culturel."
Au final, les Cowboys Fringants et leurs amis attirent 25 000 spectateurs. Parmi les moments forts, une collaboration avec Loco Locass pour un trip musical d’un quart d’heure où les deux groupes de l’heure entremêlent la politique Libérez-nous des libéraux et l’absurde Awikatchikaën. Les Cowboys oublient vite les détracteurs du concert en s’appuyant sur 25 000 sourires et une critique unanime: ce spectacle de la Saint-Jean passe à l’histoire.
Maintenant que la tempête s’est noyée dans le verre d’eau, on peut lever le même verre à une prochaine édition. L’expérience a plu à toute l’équipe, et ce, malgré la controverse, croit Dominic Lebeau: "Si on ne le fait pas l’année prochaine, on va nous le demander." Le but recherché est d’en faire un spectacle gratuit en s’appuyant notamment sur des subventions.
De cet engagement politique, donc, est née la caravane des Cowboys, qui a déménagé ses haut-parleurs à trois reprises cet été, de Québec à Joliette, en passant par Sainte-Adèle. Avec les Vincent Vallières, Jorane, Stephen Faulkner, Dumas et compagnie, les occasions n’ont pas manqué de créer des liens, de favoriser les collaborations entre les Cowboys et leurs amis. Un aperçu de ce qu’on pourrait entendre sur leur prochain album? L’idée ne semble pas les allumer. Pour seule réponse, Dupras donne ceci: "Notre processus créatif est très refermé sur nous cinq." En attendant, c’est sur la scène que ces collaborations prennent forme. Et c’est intense. "En fin de semaine, j’ai fait le show des Cowboys… et aussi celui de Dumas", dit Dominique Lebeau, nous montrant fièrement les six ampoules qu’il a aux mains.
Le 5 septembre
Au Parc de la Confédération
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À NOTER:
– Le concert Fedstock 2005 est présenté le 5 septembre dans le cadre de la Semaine 101 de la Fédération étudiante de l’Université d’Ottawa (FEUO). Débutant à 15 h, les groupes Metric, The Stills, Les Fédérateurs, Capitaine Révolte et Les Cowboys Fringants défileront au Parc de la Confédération. Renseignements: www.feuo.ca ou (613) 562-5966.
– Le groupe Les P’tits coucous formé des membres des Cowboys, Dominique Lebeau et Jérôme Dupras, ainsi que de la sœurette de ce dernier seront en première partie des Alchimistes au Petit Chicago le 10 septembre prochain. (M. Proulx)