OSM: la grève inachevée…
L’Orchestre symphonique de Montréal (OSM), immobilisé par une grève de ses musiciens depuis le 9 mai dernier, traverse une bien mauvaise passe. Mise à jour.
Le 16 août dernier, paraissait dans Le Devoir une lettre signée conjointement par Lucien Bouchard et Madeleine Careau, respectivement président du conseil d’administration et directrice générale de l’Orchestre symphonique de Montréal. Visant à relancer la balle du côté syndical en lui faisant porter l’odieux de l’arrêt des négociations, en raison de ses demandes jugées irréalistes, la lettre expliquait l’impossibilité, pour l’administration de l’OSM, d’accepter une augmentation de la masse salariale estimée à 85 % d’ici au 31 août 2008. Étonnamment, cette salve est demeurée sans réponse de la part de l’Association de musiciens de l’OSM (AMOSM), son président Marc Béliveau étant par ailleurs impossible à joindre par les canaux habituels.
Le 18 août, le vénérable critique musical de La Presse, Claude Gingras, sortait l’artillerie lourde en demandant "Faut-il dissoudre l’OSM?", une éventualité qui permettrait de repartir à neuf, avec une nouvelle convention collective et des musiciens qui voudraient bien en accepter les termes… Voilà qui a dû provoquer des trémolos dans les rangs!
Rencontrée à son bureau le 1er août dernier, Madeleine Careau affichait pourtant un certain optimisme, expliquant que l’administration est "condamnée à réussir cette négociation, puisque l’avenir de l’orchestre en dépend". On le comprend aisément à la lecture des chiffres fournis par l’administration, selon lesquels la masse salariale de l’orchestre, actuellement de 8 275 000 $, passerait à près de 15 M $ à la fin de la convention (soit dans trois ans, l’entente débutant rétroactivement le 1er septembre 2003).
Du côté des musiciens, on refuse de croire, n’ayant pas accès aux livres, les prétentions de la direction selon lesquelles "la rémunération annuelle moyenne des musiciens est actuellement de 75 000 $ pour 46 semaines de travail de 20 heures, incluant six semaines de vacances". Un communiqué émis le 28 juillet par l’AMOSM disait plutôt: "La rémunération actuelle des musiciens […] est de l’ordre de 61 000 $, alors qu’ils doivent eux-mêmes assumer tous leurs frais d’acquisition, d’entretien et d’assurances pour leurs instruments et leurs vêtements, soit une moyenne de 15 000 $ annuellement." Ce dernier argument fait tiquer Madeleine Careau: "Et qui, pensez-vous, a payé pour la jupe que je porte aujourd’hui? De plus, il ne faut pas oublier un fait important, c’est que les musiciens ont le statut de travailleur autonome, tous les frais entraînés par leur emploi sont donc déductibles d’impôt…"
Le problème de base est le suivant: l’OSM est, dans ses bons jours, l’un des meilleurs orchestres au monde; cela, personne ne songe à le discuter. Cependant, le marché montréalais des amateurs de concerts symphoniques ne saurait se comparer à ceux des grandes villes américaines qui ont d’aussi bons orchestres. Les musiciens de l’OSM préfèrent donc se comparer à ceux de l’Orchestre du Centre national des Arts, à Ottawa, et estiment qu’ils devraient être mieux rémunérés, puisque l’OSM est meilleur. Il est aussi… plus gros! Avec ses 60 musiciens à 69 000 $ par année, l’OCNA coûte quand même pas mal moins cher que les 92 musiciens de l’OSM… Et son directeur musical, Pinchas Zukerman, coûte probablement moins cher que Kent Nagano, mais aura-t-on même l’occasion de le payer, celui-là? L’homme a déjà affirmé plusieurs fois qu’il avait été attiré par Montréal d’une façon "irrationnelle". On le comprend fort bien quand on sait que plusieurs orchestres américains de gros calibre lui auraient bien mis la main dessus. Le voici dans une position pour le moins incertaine et il serait étonnant, malgré son goût pour l’irrationnel, qu’il ait envie de rester dans cette position bien longtemps…