Paul Ahmarani
On a croisé la silhouette de Paul Ahmarani dans plusieurs films québécois, mais son rôle qui fut peut-être le plus marquant demeure celui du chômeur dans La moitié gauche du frigo. Un chômeur, tout à la fois blasé et naïf, rigolard, qui, plus sa quête d’un emploi se bute à l’échec, devient de plus en plus amer et cynique. On avait aimé cet acteur, plein de finesse et de justesse émotive, et voici Ahmarani dans un rôle inédit: celui du chanteur, puisqu’il lance un premier album solo cet automne, chez Audiogram. Enfin, pas tout à fait chanteur, disons interprète puisqu’il reprend à son compte le talk-over que Gainsbourg rendit célèbre. Un chanter-parler qui clame, sur une musique rock ou "bluesy", des textes ironiques et rageurs, parfois d’une tendresse désespérée: "Alors parfois j’pense au suicide/La paix/Mais parfois je désire tant la vie/Faire l’amour dans la lumière/J’veux chanter, rire et jouer la comédie/J’rêve de graver mon nom dans la pierre". Pour l’instant, il grave sa voix blanche, celle qu’il peut modeler tout à sa guise, dans le sillon d’un CD.
Outre Gainsbourg, on songe en écoutant Ahmarani à Michel Houellebecq lorsque celui-ci enregistra il y a quelques années chez Tricatel le disque Présence humaine, un recueil de ses poèmes déclamés avec le groupe rock AS Dragon en arrière-plan. Dans les deux cas, la rage des guitares électriques ne sert que de tremplin aux textes, que de support à une voix omniprésente. Le lyrisme poétique peut prendre son envol: "Y’a des soirs où la nostalgie me prend au ventre/Je partirais m’échapper de moi dans un pub en Irlande/Y’a des jours où la panique m’étrangle/Mon souffle reste emprisonné/Des cul-de-sac, je deviens le chantre".