Fabiola Toupin : Quatre saisons
La carrière de Fabiola Toupin, contrairement au titre de l’opéra-folk de Lynda Lemay, n’a rien d’un éternel hiver. À des miles d’un désert glacé, elle affiche plutôt de belles couleurs printanières.
Une chaleur agréable enveloppe la terrasse du bistro. Devant un café latte, Fabiola Toupin feuillette un magazine féminin. Ces petits détails indiquent qu’elle est arrivée un peu plus tôt. Cependant, ce n’est pas par erreur qu’elle s’est pointée avant le moment de la rencontre. La volubile interprète renoue avec Trois-Rivières, sa ville fétiche, après de nombreux allers-retours entre le Québec et la France pour le spectacle Un éternel hiver.
L’ÉTÉ
Naturelle, la jeune femme a ses souvenirs d’outre-mer imprimés dans le coin des yeux. Les derniers jours ont en effet été teintés de folie: participation au festival Beaumont du Québec à Vassivière; prestation express à MusiquePlus pour l’album Symphonie de l’espoir, sur lequel elle chante deux chansons; spectacles sur plusieurs petites scènes de Trois-Rivières… Si son visage dévoile de légers signes de fatigue, Fabiola Toupin n’en perd pas sa fougue. Le mot repos semble banni de son vocabulaire. "Je suis quelqu’un qui se "garroche" dans l’action. J’ai toujours dix mille projets sur la table. Je fais la tournée avec Lynda (Lemay), mais je continue à me "booker" des spectacles. Je fais des voyages pour moi. J’ai toujours plein de shows. Je m’engage comme porte-parole de ci, comme porte-parole de ça."
L’AUTOMNE D’UN HIVER
Toujours en mouvement, la chanteuse savoure donc chacun des instants de la tournée d’Un éternel hiver, où elle incarne Manon. Ce personnage se présente comme la pierre angulaire de l’opéra-folk, qui raconte en 50 chansons les saisons d’un amour tumultueux, voire violent. "C’est un style de spectacle qui n’est pas présenté souvent. Ce n’est pas une comédie musicale… Il n’y a ni grands décors ni éclairages élaborés, compliqués. Ce n’est pas lourd techniquement. C’est vraiment un tour de chant théâtralisé. On a des micros dans les mains. Il y en a qui disaient: "Mais, ça ne vous empêche pas de jouer?" Non, c’est justement pour nous aider à rester dans le côté tour de chant. La chanson dit tellement tout qu’on n’a pas besoin de l’appuyer avec un jeu très, très marqué. Et c’est une pression que Lynda ne voulait pas se mettre. Elle n’est pas une metteure en scène et nous ne sommes pas des comédiens. Lynda, quand c’est compliqué, son plaisir est altéré." C’est pour cette raison que celle-ci s’est entourée de gens simples. "Elle ne voulait pas de vedette, admet Fabiola Toupin. Car il y a le show et la vie en dehors du show. On vit plus souvent ensemble en dehors du spectacle que sur scène. Moi, j’ai le rôle principal, mais je ne le sens pas. Je n’agis pas comme une jeune première. Je ne peux pas. Je n’ai pas de traitement de faveur. Je n’ai pas une plus grande loge que les autres. Souvent, je suis dans la même loge que Manon (Brunet). C’est moi qui coiffe Lynda avant le spectacle tous les soirs. […] On n’a pas de maquilleuse, on n’a pas de coiffeuse. On n’est pas dans cet esprit-là. On est dans l’esprit simple, dans l’art le plus pur d’interpréter des chansons et de faire passer des émotions."
Fabiola Toupin dit avoir connu la vraie vie de tournée, avec ses bonheurs et ses subtilités, aux côtés de la parolière et de son équipe. Cet apprentissage a été récompensé par de petits trésors propres aux voyages: des paysages diversifiés, des salles de spectacles magnifiques, des tables bien garnies et des discussions enrichissantes. "Les Français parlent de tout, s’exclame l’éternelle curieuse. Ils parlent de politique, de littérature, d’histoire, de courants sociaux. Tu vois, nous autres, les Québécois, sommes plus intimes. On parle plus de comment on se sent, comment on voit les choses… Et les Français, ça les surprend toujours parce qu’ils ne sont pas des gens qui s’ouvrent facilement sur leur intimité. Nous, on va tout de suite à notre côté émotif. On est des viscéraux, les Québécois. Les Français sont plus dans leur tête. Ça leur prend un certain temps avant de nous ouvrir leur cœur."
Pourtant, les Québécois appuient plus rapidement sur la gâchette lorsque vient le temps de critiquer. À deux semaines de la première québécoise d’Un éternel hiver, qui aura lieu à Trois-Rivières, comment se sent-elle? "Moi, je n’ai pas d’attentes par rapport à la tournée québécoise. Je sais que le public québécois est un public exigeant. Il y a une grande qualité de spectacles présentés ici, de très bons artistes, des créateurs qui sont reconnus à travers le monde. Notre culture est de plus en plus respectée. Moi, j’ai confiance en ce spectacle-là. Je l’assume complètement. C’est de leur histoire qu’on parle, c’est tellement québécois, ce qu’on raconte. Pour les Français, c’était peut-être un peu exotique au niveau du scénario, mais les thèmes abordés sont universels. Lynda, c’est quelqu’un qui aborde tout: la culpabilité, la tromperie, la violence conjugale, l’alcoolisme, le fait d’être mère de famille monoparentale, d’être enceinte…"
FLEUR DU PRINTEMPS
Un album live d’Un éternel hiver devrait être enregistré pour la période des Fêtes. Quoique ce projet l’emballe, Fabiola Toupin admet avoir hâte de travailler sur son propre matériel. "L’industrie, en ce moment, est frileuse. Elle ne prend pas beaucoup de risques. Elle ne vend pas beaucoup. Le piratage y est un peu pour quelque chose. Je ne m’embarquerai pas dans ce débat-là. Bref, c’est plus difficile. Et moi, ce que je fais, c’est de la chanson à texte, un peu poétique et aux couleurs des rythmes du monde." L’interprète doit ainsi bosser très fort pour faire résonner son nom. En attendant de trouver chaussure à son pied, elle cueille ici et là de beaux textes. Elle aurait par ailleurs dans sa collection une chanson écrite par Fred Pellerin pour ses 30 ans.
Du 14 au 16 septembre
À la Salle J.-A.-Thompson