The Mighty Sparrow : Calypso corsé
Musique

The Mighty Sparrow : Calypso corsé

À 70 ans, The Mighty Sparrow, manitou du calypso, s’attaque à une ixième tournée et montre hors de tout doute que cette culture vibrante née après la Seconde Guerre mondiale en a autant à dénoncer qu’à danser.

À Trinidad et Tobago, le calypso n’est pas qu’un style musical: le talent y abonde tellement que, peu après la Seconde Guerre mondiale, cette vibrante culture a dû se créer des compétitions de toutes sortes – surtout basées sur la chanson, la danse, les costumes et l’instrument indigène de Trinidad, le steel pan – pour que chacun puisse y faire sa place. Il a donc mué en un art unique, un mode de vie, une véritable obsession nationale. Et au sommet de son panthéon trône fièrement celui qu’on surnomme affectueusement Birdie, Slinger Francisco, encore mieux connu internationalement sous le pseudonyme de The Mighty Sparrow.

Né aux Grenadines, ses parents immigrèrent à Trinidad lorsqu’il n’avait qu’un an et à l’âge de vingt ans, en 1956, il révolutionna le genre avec Jean & Dinah. Depuis, on le connaît comme le plus grand ambassadeur du genre. "Les Calypsoniens ont un point de vue privilégié à T&T; ils sont considérés à la fois comme des reporteurs, des commentateurs, des poètes et des artistes à part entière, raconte Sparrow, joint à sa résidence de Port-of-Spain il y a quelques jours. La culture y est si importante que certains calypsos ont changé le cours de notre vie sociale et politique!" explique-t-il.

Le vénérable chanteur nouvellement septuagénaire s’attaque donc à une autre tournée nord-américaine, peut-être sa dernière. "On ne peut jamais vraiment savoir, mais je me sens très bien et je crois pouvoir continuer à pratiquer mon métier encore quelque temps", raconte-t-il avec un sourire malicieux dans la voix. Deux de ses plus grands exploits, avoir remporté le titre de Monarque Calypso à 11 reprises et celui de Champion de la Parade à 8 autres reprises depuis 1957, n’ont jamais été égalés; son site Internet officiel énumère en détail la quantité surréaliste de prix et de distinctions qu’il s’est mérités et qui portent à croire qu’il sera à jamais intouchable. Mais si ses exploits devaient être dépassés, Sparrow souhaiterait que cet honneur revienne à David Rudder. "Si un artiste de la nouvelle génération peut faire survivre cette culture, c’est bien David Rudder. À notre époque où on se limite à inciter les gens à danser et à faire la fête, heureusement que David s’entête à perpétuer la tradition."

Rappelons que l’essence de ses textes se situe souvent au deuxième degré, cette fameuse "double entente" maîtrisée par les Trinis depuis belle lurette. Jadis, grâce à ce jeu d’esprit, les esclaves africains pouvaient critiquer leurs maîtres sans craindre de représailles: de nos jours, The Mighty Sparrow et ses confrères s’en servent surtout pour critiquer – souvent sévèrement, sous des airs détachés – le gouvernement local.

À la suite de la disparition il y a quelques années de son grand ami et plus proche rival, Lord Kitchener, on pourrait s’attendre à ce qu’il sente qu’il n’a plus rien à prouver. Bien au contraire: "Cette semaine, je participe à une compétition hors série à Port-of-Spain et tous mes principaux rivaux de toujours y participent aussi! Tant que le monde continuera à se comporter ainsi, on ne manquera pas de matériel pour écrire des calypsos!" laisse-t-il tomber avec ce légendaire rire guttural.

Le 10 septembre
Au Oscar Peterson Hall de l’Université Concordia
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