Louise Attaque : Contre-attaque
Musique

Louise Attaque : Contre-attaque

L’empire Louise Attaque, mastodonte du rock français au repos depuis quelques années, contre-attaque avec À plus tard crocodile, troisième opus de la liberté et du plaisir communautaire retrouvés.

"On avait décidé d’une pause mais pas d’un arrêt définitif. Notre contrat avec notre maison de disques a toujours comporté plusieurs albums, mais elle ne nous a jamais rendus prisonniers de ça, on a toujours été libres d’enregistrer ou non, voire de s’arrêter. De toute façon, on n’a pas de plan de carrière, et si l’on se rendait compte que l’on n’a plus de dynamique artistique commune, ce serait une arnaque de vouloir à tout prix faire rentrer des chansons de Louise Attaque avec un chausse-pied", confie au bout du fil leur violoniste endiablé, Arnaud Samuel.

Après le méga-succès que fut en 1997 le premier album éponyme de Louise Attaque (avec Je t’emmène au vent et Léa), le groupe propulsé au rang des phénomènes avait ressenti un malaise et un besoin urgent de rectifier le tir avec le sombre et expérimental Comme on a dit (2000): "On a réagi avec ce deuxième album en essayant d’enfoncer le clou du rock français. On a volontairement fait très peu de publicité. C’était aussi un album volontairement moins grand public, pour proposer une autre facette de ce que l’on est, celle de nos racines rock. Pour bien définir qui on était, sans doute de manière excessive. Mais ça permettait de faire un complément au premier disque." Malgré quelques tubes potentiellement rassembleurs (La Plume, Tu dis rien), le succès fut moins éclatant et la tournée qui suivit les mina: "Le groupe s’essoufflait, on n’arrivait plus trop à regarder musicalement dans la même direction. On avait le sentiment de manquer d’air, et si ça continuait, on allait "splitter" définitivement. Avant de s’engueuler, on a préféré se donner du temps et de la liberté." Ainsi, le quatuor rock se divisa en deux entités distinctes: Ali Dragon et Tarmac.

Tarmac, formé du chanteur Gaëtan Roussel et d’Arnaud Samuel, a produit deux albums (en plus d’un live) fort intéressants, malheureusement passés inaperçus auprès du grand public. L’Atelier, en 2001, contenait l’hymne altermondialiste Des frontières au pays et la reprise de Brassens La Ballade des gens qui sont nés quelque part, un virulent pamphlet contre la petitesse et le nombrilisme, formidable ode à l’ouverture. En 2003, sortait le très beau Notre époque, enrichi de poèmes de Fernando Pessoa et de Walt Whitman: "Avec Tarmac et principalement sur ce deuxième album, on tendait davantage vers la poésie et la suggestion, mais pas forcément vers l’introspection, car il y avait des chansons dédiées au cosmopolitisme et à l’humanisme." Le Festival d’été de Québec s’en souvient, il y a deux ans, Tarmac avait séduit un public frigorifié mais ravi.

Puis vint le temps des retrouvailles. La parenthèse terminée, les membres se réunirent à nouveau. "Quand on s’est revus, on était prêts à tout. Dans ce groupe, on fait tout ensemble, la musique et les paroles se créent dans un environnement de répétition, dans un jeu d’interaction très rapide. On a continué à vouloir expérimenter dans plusieurs directions, mais sans enfoncer un seul clou. Chacun est venu pour ce disque avec des propositions de son différentes. On avait envie que chaque membre de Louise Attaque puisse s’exprimer à cent pour cent, comme il le voulait." Ainsi, Arnaud a pu, en plus de son violon emblématique, parsemer À plus tard crocodile d’une mandoline enchanteresse, et Gaëtan s’est éclaté en troquant l’acoustique contre l’électrique. En bout de piste, à l’écoute de ce troisième album, on sent Louise Attaque de plus en plus proche du rock anglais. Ils quittent doucement les rives hexagonales, la pop accrocheuse qui faisait leur charme, vers un son plus abrasif: "Ce qui nous a motivés, c’était la nécessité de savoir si on était toujours sur "pause". On ne savait pas du tout ce qu’on allait faire. Le fait de pouvoir proposer des sons nouveaux, de s’être laissé aller à faire de la musique ensemble sans idées préconçues, pour faire de la musique et non pas un simple disque, nous a permis de retrouver l’effervescence que l’on avait perdue."

À plus tard crocodile est un titre qui "relève un peu de l’enfance, de l’insouciance, de la liberté, de la légèreté – ce qu’on a vécu avec l’enregistrement de ce disque, depuis qu’on s’est remis ensemble", explique Arnaud avec l’enthousiasme d’un jeune amoureux qui revit une idylle.

Louise Attaque
À plus tard crocodile
(Atmosphériques / Musicor)