Bernard Labadie : L'Opéra de quat'sous
Musique

Bernard Labadie : L’Opéra de quat’sous

Bernard Labadie explique les remous budgétaires qui secouent l’Opéra de Montréal à la veille de l’ouverture de sa 26e saison, avec Norma.

Coup de théâtre le 1er septembre dernier: l’Opéra de Montréal convoquait alors les médias pour annoncer l’annulation pure et simple de la présentation de l’œuvre Odipus rex de Stravinski, prévue du 4 au 16 février 2006. L’œuvre, créée à Toronto en 1997 et mise en scène par François Girard, allait enfin nous être montrée; c’était pour plusieurs observateurs le grand moment de la saison… C’était malheureusement aussi le plus coûteux… En l’annulant, l’Opéra de Montréal économise 700 000 $, une somme qui servira à éponger une bonne partie du déficit de l’institution, qui s’élève à 1 100 000 $.

La surprise venait surtout du fait qu’à la fin de sa dernière saison, l’OdM semblait avoir le vent dans les voiles. Joint à son bureau, le directeur artistique de la compagnie, Bernard Labadie, acquiesce: "On peut dire que l’Opéra a pris une place particulière dans la vie montréalaise ces dernières années. Il y a un certain consensus sur le fait que nous avons pratiqué un virage au niveau de la qualité et de l’originalité, mais il semble que la partie financière du train ne tourne pas à la même vitesse que le reste… Comme nous avons eu un très bon résultat au guichet avec les œuvres mises en scène par Robert Lepage, nous avions toutes les raisons de croire que nous aurions un succès similaire avec celle-ci. Cependant, une production de cette envergure ne peut pas couvrir ses frais avec le guichet; le prix pour ce faire serait tout à fait inabordable."

C’est bien là que le bât blesse. Si on propose des productions vouées à être déficitaires malgré leur succès, il faut bien que l’argent vienne d’ailleurs… "Ce n’était pas, en ce qui nous concerne, une situation inattendue, poursuit Bernard Labadie. On la voyait venir depuis longtemps et j’ai eu l’occasion d’en parler aux instances gouvernementales à de très nombreuses reprises depuis mon arrivée en 2002. Le virage attendu de la part de l’Opéra et demandé par la communauté montréalaise suppose des bases financières solides, qui ne sont pas présentes actuellement. On voyait le mur arriver, eh bien le voici, alors nous devons modifier notre itinéraire."

On est conscient dans les bureaux de l’OdM que la solution ne pourra pas venir exclusivement des gouvernements, mais ces derniers ont tout de même un travail à faire. Le directeur artistique explique: "Nous sommes l’une des grandes institutions culturelles du Québec, mais en comparaison avec les autres, la part de financement gouvernemental qui nous est octroyée est très faible. Si l’OSM, l’OSQ ou l’Opéra de Québec ont peine à arriver avec un taux de financement public qui tourne autour de 45 %, il n’est pas étonnant que nous ayons des difficultés avec un taux qui est dans les 30 %. Nous devons donc, pour le moment, retirer Odipus rex, mais lorsque nous le remettrons à l’affiche, ce sera que nous sommes sûrs de notre coup!"

Pour le reste, la programmation de l’Opéra de Montréal demeure inchangée, et c’est Norma, de Vincenzo Bellini, qui ouvre la saison cette semaine, avec une distribution internationale dans les décors et costumes du Met. "C’est la première fois que l’on propose à Montréal une production du Metropolitan Opera. Il s’agit d’une œuvre un peu mythique à cause des grandes voix qui y ont été associées, à commencer par Maria Callas, et ça prend justement quelqu’un qui soit capable d’entrer dans les souliers du personnage de Norma. C’est le cas de la soprano arménienne Hasmik Papian, qui l’a chanté près de 70 fois. C’est un rôle qui demande une résistance physique assez exceptionnelle, avec un personnage qui est en scène presque du début à la fin. Hasmik Papian est l’une des spécialistes du rôle en ce moment et nous sommes heureux de pouvoir l’accueillir."

Les 17, 21, 24, 26 et 29 septembre à 20 h et le 1er octobre à 14 h
À la Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts
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