Jérôme Minière : Le feu par le feu
Musique

Jérôme Minière : Le feu par le feu

Jérôme Minière, employé dévoué de la Compagnie Herri Kopter International, s’amène au Théâtre Granada pour une prestation mettant en vedette sa vaste gamme de produits divers. Entretien imaginaire.

LE DIEU CLIENT

"Chère consommatrice, cher consommateur. Chez Herri Kopter, nous sommes heureux d’avoir l’opportunité de vous offrir nos services gratuits et imaginaires […] et tenons à vous souhaiter la plus cordiale bienvenue dans le monde merveilleux dont vous êtes l’unique dieu. […] Nous sommes fiers de mettre à votre disposition une équipe professionnelle et absolument imaginaire, dévouée à vous offrir entière satisfaction dans tous les aspects de votre vie. Vous trouverez où bon vous semble les termes et conditions de votre abonnement gratuit. […] Nous vous remercions de votre confiance et soyez assuré que nous mettrons tout en œuvre pour ne pas la trahir. Chez la concurrence, le client est roi, chez Herri Kopter, vous êtes notre dieu!" Ainsi nous présente-t-on la division "ouèbe" de Kopter International. Mais, peuple béni de Sherbrooke, aucun égarement sur la Toile ne vous sera nécessaire: Herri Kopter vient à vous.

Préposé aux musiques et à la timidité au sein de la Compagnie Herri Kopter, Jérôme Minière prendra le contrôle Théâtre Granada le 23 septembre avec son orchestre fantasmagorique composé de Christian Miron (basse, claviers, programmation, voix) et José Major (batterie, programmation).

LE ROYAUME DES AUBAINES

Sur son plus récent album Chez Herri Kopter (La Tribu, avril 2004), l’artiste offrait un nouveau stock de chansons "électronifiées", dénonçant de sa prose délicate et nuancée les aléas du marché capitaliste et de la société de consommation. Sans manquer de louanger, du même coup, les quelques trucs encore gratuits – mais pour combien de temps -, tels ces "instants calmes et paisibles", ou ces "nuées d’oiseaux en partance vers le sud" (Un magasin qui n’existe pas, en duo avec Lhasa).

"En fait, c’est ça qui est un peu bizarre", reconnaît le principal intéressé, appelé à commenter la condition mercantile de notre petit monde. "Car c’est vrai qu’en faisant ce projet, j’ai un peu fait un pacte avec le diable, parce que je m’engage, justement, à vendre mon truc. Mais au fond, c’est ça qui est un peu le paradoxe; on dirait que pour qu’une parole soit entendue, on n’a pas le choix de la travestir dans le marché, parce que de toute façon, on est tous dedans. Il y a des gens qui considèrent peut-être que ce n’est plus une parole, mais moi, je pense qu’on n’a pas le choix de la rentrer de force dans le marché. Je vois ça comme de la résistance; on ne lâche pas le terrain, quoi. En espérant qu’à un moment donné, ce terrain-là change de l’intérieur, tout simplement. Mais je sais qu’en ce moment, il y a deux courants assez forts; il y a vraiment des altermondialistes plus radicaux qui rejettent complètement tout ça et disent que certains autres sont trop collabos… Moi, je pense que, bizarrement, je penche plus du côté collabo; c’est-à-dire qu’on ne peut pas construire quelque chose à l’extérieur de ce qui est là, mais qu’il faut agir à l’intérieur de ça. Mais je sais pas, peut-être que je me trompe…"

PRODUIT NATIONAL BRUIT

Tout juste avant de se rendre brièvement en France et d’y présenter quelques concerts dans le cadre du lancement là-bas du disque Chez Herri Kopter (Olympic Disk/Wagram), celui qui devenait récemment papa d’un deuxième "petit cosmonaute" accouchait aussi, début juin, d’un mini-album de cinq remix de la chanson If You Don’t Buy You Die. "C’était une obsession personnelle, confie-t-il. Je voulais absolument aller plus loin et en faire différentes versions déconstruites; faire l’inverse de ce qui se fait d’habitude en remix. Donc, c’est plutôt des "démix"", rigole-t-il, expliquant s’être grandement amusé à en concocter des moutures garage rock, country, puis une autre pour danser, "mais sur les patinoires!", souligne-t-il. "Puis sinon, j’ai deux invités: un groupe que j’aime bien, de Montréal, qui s’appelle Artist of the Year, puis Tomas, un artiste de Toulouse avec qui on a joué en Allemagne; vraiment quelqu’un de très chouette qui gagne à être découvert", insiste-t-il, ajoutant que d’autres remix seraient en route, en provenance du Québec comme de la France.

Le 23 septembre à 20 h 30
Au Théâtre Granada