Yannick Rieu : Mise en mémoire
Musique

Yannick Rieu : Mise en mémoire

Le saxophoniste Yannick Rieu poursuit plus que jamais une quête de sens, après une carrière de plus de 25 ans. Cette recherche passe par un certain dépouillement. C’est avec un bel enthousiasme qu’il parle de son dernier projet.

À 45 ans, Yannick Rieu a participé à plusieurs projets, comme autant de "branches" du même arbre, qui ont profondément marqué la scène du jazz au Québec. Le disque intimiste qu’il a lancé cette semaine est le fruit d’un long processus: "Tous ces chemins ont contribué à nourrir ma réflexion actuelle. C’est moi qui les ai provoqués: j’ai quitté le Saguenay à 24 ans, je suis resté à Montréal huit ans, puis je suis allé jouer en Europe. Le changement de milieu provoque des rencontres musicales. J’ai rencontré des musiciens de l’Europe de l’Est, de l’Afrique. Richard Bona et Philippe Soirat me touchent à la fois comme artistes et comme êtres humains."

Le nouvel opus de Yannick Rieu, "I" Is Memory, propose un regard intérieur, une certaine retenue, de l’espace: "Je suis tanné des grands événements, du gaspillage de talent. Je veux dire les choses sans avoir besoin de crier. Je désire faire quelque chose qui a du sens. Ce qu’il y a de plus difficile, c’est le silence, la lenteur. Par ailleurs, je n’aime pas m’installer. J’ai besoin de marcher sur un fil, de me placer en état de déséquilibre. Le titre de l’album (en français "Je" est mémoire) va à l’encontre du culte du "moi" tant valorisé par le romantisme pour suggérer que notre personnalité, ce n’est que de la mémoire."

Yannick Rieu a réuni de vieux complices, le pianiste François Bourassa et le contrebassiste Guy Boisvert. Le batteur Philippe Soirat et le percussionniste Christian Lagueux se retrouvent avec lui en situation de duo: "Je voulais renouer avec le piano. Avec un son plus acoustique aussi, dans cet esprit de "simplicité volontaire". Par exemple, les deux premières pièces, WATP et R.O., sont parentes. Mais nous les abordons de façons différentes. Qu’est-ce qui m’amène à jouer certaines pièces en duo? Je dirais que plusieurs pièces ont été éprouvées dans plusieurs contextes différents. Par exemple, Song H. Je me suis demandé: "Qu’est-ce qu’il me reste à dire?" Je fais des essais empiriques par rapport au thème, à l’harmonie. Je cherche à approfondir."

Au moment où nous nous entretenons, c’est le disque de Léo Ferré qui attend sur la platine de Yannick Rieu. Celui-ci nous parle de sa passion pour la chanson et de sa conception de l’improvisation: "Depuis 10 ans, j’écoute surtout de la musique classique et de la chanson. Ce serait difficile de transposer des chansons de Ferré en jazz. Il faudrait tenir compte du personnage, de ce qu’il pense. Les mots sont tellement imbriqués dans la musique. Il reste sous-estimé. Quant à l’improvisation, je voudrais que mon discours ait l’air de quelque chose de définitif, que mes solos laissent l’impression que ce sont vraiment les notes qu’il fallait jouer! Il y a deux ans, j’ai vu Charles Lloyd à New York. Il a réussi à aller plus loin que le saxophone. C’est de la musique, de la poésie!"

Le 27 septembre
Au Théâtre Petit Champlain
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Yannick Rieu
"I" Is Memory
(Effendi)