Didier Boutin : Le taureau par les cornes
Pour Didier Boutin, le bonheur ne saurait être optimal sans le malheur. Par ses musiques, sa poésie et son humour, il semble même parvenir à transformer le second en premier. Drôle d’équation aux curieuses variables.
Retour dans la Ville lumière, il y a une quinzaine d’années. Didier Boutin, musicien et poète natif de Vendée, ressent alors un vif désir de changer d’air. C’est d’abord Québec qu’il choisit comme exutoire. "J’avais vraiment besoin de trouver une soupape", illustre-t-il, réflexif. Après huit ans à Paris, l’École de la chanson et blablabla, je me voyais déjà dans le haut de l’affiche… Et ça a été dur", relate l’artiste, aujourd’hui dans la jeune quarantaine. "J’avais le goût de me retrouver dans un autre univers et j’ai choisi Québec, parce que j’avais rencontré quelqu’un, puis ça a adonné comme ça. Mais au bout d’un an et demi, deux ans, j’étais "re-prêt" pour affronter autre chose et aller à Montréal…" Pas que le chic bougre soit atteint de bougeotte aiguë. Mais la possibilité de pouvoir constamment remanier le décor et en varier les coloris, voilà une insécurité apaisante pour ce géniteur de deux albums indépendants fort bien reçus au Québec, Les Choses simples (2000) et Sans le malheur, le bonheur c’est triste (2004). "De se sentir toujours un étranger, et de savoir que sa valise est toujours prête, c’est bien pour moi. Tu vois un avion qui passe, l’air de te regarder… Il y a toujours un côté voyage dans l’air, et ça, j’aime ça!"
Même lorsqu’il chante la perte amoureuse sur l’Ennui positif, en ouverture de son petit dernier, tout paraît zen malgré la douleur qui plane. "Je m’ennuie de ton cœur/Je m’ennuie de ton odeur/À travers tes yeux je pouvais voir/Montmartre en noir et blanc/Je m’ennuie de ton sourire/Je m’ennuie de tes soupirs/De ta charmante silhouette/Qui m’allait comme un gant". Pas la joie, certes. Mais le ton n’y est jamais tristounet, empreint plutôt d’une sereine lucidité; on le devine presque contemplatif devant la peine. "Il faut penser à tous les bons souvenirs, ne se rappeler que les bons moments, suggère-t-il. En tout cas, mieux vaut en rigoler que de s’apitoyer sur son sort! De toute façon, on se familiarise avec la tristesse, un moment donné; on s’y habitue. Il faut la prendre comme une amie. Il faut en être conscient, mais ne pas la prendre comme quelque chose de négatif. Ça fait partie des sentiments, et ça fait du bien d’être triste des fois. Mais pour moi, l’humour est plus fort que la tristesse…"
C’est d’ailleurs ce qui devrait ressortir de son prochain recueil, dont quelques bribes pourraient bien être testées sur les planches du Petit Champlain, où il sera entouré de ses complices Joël Prénovault (basse), Étienne Marceau (trompette) et Stéphane Mayrand (batterie). Car si la ponte de Sans le malheur… fut un brin ardue, il risque d’en être tout autrement pour son successeur. "Ça a tellement été long un moment donné, tellement à fleur de peau, que je n’en pouvais plus", confesse-t-il. C’était vraiment un refuge dont j’avais besoin, pour me retrouver et parler de choses plus intérieures. Mais le troisième album, ça sera vraiment le party!" promet-il, ajoutant être particulièrement sensible aux inspirations nocturnes. "Oui, je suis un gars de nuit. Et je sors; je m’inspire beaucoup des rythmes de la nuit. Le but, avant tout, c’est de rencontrer des gens. Et je m’inspire de cette énergie. Je travaille très lentement; quand j’ai une idée, je ne l’écris pas. Je la garde pour qu’elle mûrisse. Et pour ce troisième projet, je veux entendre la musique dans ma tête avant de la faire, alors qu’auparavant, je partais d’une loop ou d’un texte. Là, il faut que j’entende tout avant, un peu comme je m’imagine le travail de composition en musique classique. J’aime essayer de nouvelles techniques pour chaque projet. Alors là, il y a comme 14 chansons qui attendent le bon moment pour sortir…"
Le 7 octobre à 20 h
Au Théâtre Petit Champlain
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