Nada Surf : Rien sur le surf
Nada Surf lance un quatrième opus doux-amer aux mélodies raffinées. Rencontre avec le chanteur, sympathique francophile qui règle les derniers préparatifs avant de quitter New York pour se rendre jusqu’à nous.
Nada Surf lançait il y a deux ans Let Go, un album le hissant au rang des groupes indie qui fabriquent, en faisant à leur rythme et à leur tête, des airs rock doux-amers presque pop aux mélodies irréprochables. Le groupe new-yorkais largue cet automne une toute aussi jolie galette intitulée The Weight Is a Gift et s’amène en ville pour nous la présenter. "On part après cette entrevue, j’en suis à plier la dernière pile de t-shirts et je m’apprête à zipper ma valise", raconte le sympathique leader du trio, Matthew Caws.
Interrogé sur le sens du titre de l’album, tournure intrigante tirée de la deuxième chanson du recueil Do It Again, le chanteur répond ceci: "Chaque fois que je traverse un moment pénible, et que je réussi à m’en remettre, je suis plus heureux à la fin. Ce titre renvoie à l’idée qu’il y a une façon de voir les trucs difficiles comme des défis à relever, plutôt que de se laisser écraser par eux."
On connaît l’histoire du groupe, âgé d’une décennie. En pleine ère grunge, en 1996, Nada Surf larguait un tube contagieux, Popular, qui laissait envisager un destin à la Weezer, un avenir fait de tubes et d’entrevues à la télé, de ventes monstres et de groupies affolés. Certains ont vu là une splendide ironie en voyant le groupe se détacher de son gros label pour aller joindre les rangs de l’effervescente mais plus confidentielle étiquette de Seattle Barsuk et trouver là une nouvelle famille d’adoption, parmi des groupes aussi farouchement indépendants, lire Jesse Sykes, John Vanderslice et Rilo Kiley, avec qui Nada Surf a fait quelques tournées. "Les majors sont réellement purement motivés par le fric. Même le gars qui te semble un peu plus allumé que les autres, il est payé pour avoir l’air passionné, dans le but que le band puisse s’identifier à une personne. On en a eu marre et Barsuk se montrait intéressé."
Mais l’ironie ne vient-elle pas plutôt du fait que Popular, devenu une sorte d’hymne estudiantin, raillait justement le culte de la popularité illusoire, le fait de s’en forger une en ayant sa propre bagnole, en fréquentant une cheerleader, en devenant le chouchou du prof et autres clichés dignes de Degrassy High (pensez à vos pires souvenirs d’adolescence)? "On la joue encore de temps en temps, mais pas systématiquement. C’est sûr que c’est le fun d’avoir du succès, d’être connu et de faire un peu de fric. Mais on n’en a pas fait tant que ça, cette chanson ne nous fait pas vivre aujourd’hui. De l’intérieur, dans la vie du groupe, d’autres événements nous ont marqués bien plus que la popularité de Popular."
Petite parenthèses ici pour dire qu’une entrevue avec Matthew Caws, New-Yorkais francophile ami des frangins Benjamin Biolay et Coralie Clément (chœur sur Comes A Time), à qui l’on doit quelques morceaux en français (Là pour ça, entre autres, sur Let Go, écrite d’une plume alerte, maîtrisée), est une expérience fort surprenante puisqu’il bondit de l’anglais au français avec une grande aisance et relate même le moment précis où la langue de Gainsbourg s’est mis à l’intéresser: "J’avais cinq ans, mes parents – des profs de philo et de littérature – étaient en sabbatique et on vivait à Paris un an. Au début, j’avais l’impression d’être sur Mars, jusqu’à ce que j’apprenne le mot "ronronner", que je trouvais si parfait, si près de l’action elle-même."
Aujourd’hui âgé de 38 ans, Matthew Caws admet que, depuis ses premiers accords de guitare, son rapport à la musique s’est transformé: "Je fais de la musique pour les mêmes raisons qu’à mes débuts et pour quelques autres aussi. Plus jeune, t’as le choix entre plusieurs échappatoires. J’aurais pu me mettre à jouer au soccer ou à assembler des modèles d’avions réduits, mais ce sont les disques de rock qui m’excitaient le plus. Quand tu vieillis, tu te rends compte que tu n’as plus autant de temps qu’avant pour t’évader, les vacances d’été qui durent trois mois, c’est terminé… Et l’échappatoire finit par s’imposer comme une nécessité."
Le 11 octobre
Avec Say Hi to Your Mom
À la Sala Rossa
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