Le Festival du monde arabe de Montréal : Ces femmes dévoilées
Décidément, le FMA aime les thématiques! Surtout, il n’a pas peur de la controverse… Au lendemain du 11 septembre 2001, alors que le musulman devient l’autre, le proscrit, le portrait-robot de tous les terroristes, ce tout jeune festival lançait crânement sa deuxième édition sous le thème "Vous avez dit Arabe?". L’année suivante, le thème était "Face à face" en pleine croisade US en Irak et l’an passé, le thème "Razzia" rappelait que les guerres et les occupations ont aussi donné naissance à d’autres civilisations.
"On nous a dit: vous êtes complètement fous! explique Aïda Kamar, vice-présidente de l’entreprise. Mais les médias ont compris que notre festival n’était pas qu’une programmation axée sur une grande fête des communautés arabes. Nous bâtissons un espace de rencontres avec la volonté que les choses s’y passent différemment."
Résultat: les salles se sont remplies. Avec un faste inouï qui paraissait suicidaire à certains observateurs avisés, cette manifestation culturelle si nouvelle à Montréal semble avoir décuplé en envergure ces deux dernières années. Les plus grandes salles en ville, de luxueux programmes, des stars du Maghreb et du Moyen-Orient qui ne sont pratiquement jamais venues ici, des rencontres inédites aussi. Une organisation casse-gueule dont le budget repose à 55 % sur la billetterie et qui intéresse, apparemment, 65 % de non-arabes. Épatant, non? "Ce festival est un miracle, poursuit madame Karam. Celui de la passion et de l’acharnement d’un garçon comme Joseph Natly. Nous n’avons derrière nous ni grands financiers, ni gros comptes en banque."
La sixième présentation du festival le plus audacieux en ville s’attaque donc cette année à un dernier tabou: le harem. Corps lancinants, sensualité des mille et une nuits, les rencontres se multiplient et la femme arabe se dévoile. Pour racoleur qu’il paraisse, cet espace clos "aux frontières de l’interdit" ouvre grande la porte sur tous les stéréotypes et tous les préjugés qui accablent encore la femme arabe. On l’imagine voilée, soumise, captive… "Mais il faut faire la part des choses, insiste Aïda Kamar. Elle est aussi musicienne, scientifique, journaliste et femme de maison. Et puis, il y a son regard à elle sur la femme occidentale. Nous avons même un colloque sur ce sujet."
N’empêche que les programmes chorégraphiés regorgent de sensualité. Du baladi, bien sûr (une danse sacrée, un hymne à la beauté du corps qui s’est perverti dans les restaurants et dont les Québécoises se sont entichées au passage), mais aussi de la danse contemporaine d’assez haut niveau. Une nuit "Tarab Extrême" au Métropolis, qui va durer six heures, jusqu’à l’ivresse. Et puis des mélanges musicaux…
Comme ceux de Lousnak, une Arménienne née à Beyrouth et qui vit au Québec. Ses chants nocturnes et fascinants racontent avec des musiciens gitans les migrations d’un peuple meurtri par le génocide sur les rives chaudes du Liban. Émeline Michel, une chanteuse créole, a voulu transposer sa musique caraïbe avec des musiciens orientaux et accueillera même une danseuse. La Canadienne Catherine Potter et sa remarquable technique à la flûte bansouri vont se mesurer à Simon Chaïm, un extraordinaire oudiste palestinien. Un duo totalement inédit qui montre à quel point les musiques de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient s’adaptent aux formes contemporaines au lieu de rester comme des folklores figés. "Ça a pris des mois à s’arranger, mais ils avaient envie de travailler ensemble. Ça va se faire."
Le Festival du monde arabe de Montréal
Du 28 octobre au 13 novembre
www.festivalarabe.com