Polémil Bazar et Pépé : Cuisine en groupe
Musique

Polémil Bazar et Pépé : Cuisine en groupe

Fleurons de la scène de Québec, Polémil Bazar et Pépé lançaient récemment deux albums fort attendus. Attablés chez les Polémil, ils s’offrent une discussion de cuisine des plus animées, lancée par l’ineffable Pépé.

Pépé: Pourquoi avoir appelé votre album

Avale ta montre?

Hugo: "Parce que dans les textes, il y a beaucoup de références au temps, à l’urgence de vivre. C’est le temps qu’on fasse quelque chose; ça touche notre engagement environnemental et sociopolitique, mais ça veut aussi dire de prendre le temps de vivre, de relaxer et de laisser le temps de côté un peu."

Pépé: Au sein du groupe, diriez-vous que règne la démocratie ou qu’Hugo joue les dictateurs?

Josiane: "Dans le processus de création de l’album, il y a des décisions qui se sont prises vraiment tard parce qu’on est très, presque trop, démocratiques. Il faut toujours qu’on se consulte et que tout le monde soit d’accord."

Hugo: "C’est justement pourquoi on doit prendre un réalisateur (ici Carl Talbot): parce qu’on est six chefs. Il n’y a pas d’Indiens dans ce groupe-là; on est tous des têtes fortes. Ça nous prend un médiateur, des oreilles extérieures pour venir trancher à un moment donné. Mais ça arrive rarement. La plupart des décisions sont prises à l’unanimité."

Pépé: Trouvez-vous que les médias vous servent bien au Québec?

Hugo: "Les médias alternatifs font un excellent travail, mais c’est très difficile de pénétrer les réseaux – le réseau!? – plus commerciaux. On a souvent l’impression que c’est réservé à une clique. Alors on est venus à s’en foutre un peu et on continue notre chemin. Mais regarde, Richard Desjardins, il n’avait pas demandé de jouer à Énergie. C’est un bel exemple de gros réseau commercial qui a dû s’ajuster aux exigences populaires, comme pour Les Cowboys Fringants ou Les Trois Accords. Ça existe, alors on se dit que ça peut arriver. Mais en attendant, qu’ils s’amusent avec leurs 10 tounes! Que veux-tu qu’on fasse?"

Pépé: Questions en rafale… Vinyle ou Mp3?

Hugo: "Mp3, pour la facilité de diffusion, mais évidemment, en trouvant la bonne manière de faire payer l’utilisateur pour que l’artiste en retire un petit quelque chose."

Thierry: "Moi, je vais dire vinyle. Juste par opposition. Et pour les pochettes."

Antoine: "Moi, pour contredire Thierry, je vais dire cassette. Pour le petit bruit au début, puis pour le son dolby."

Pépé: Scène ou studio?

Thierry: "La scène. Mille fois plus. Cent mille fois. Y’a rien comme l’adrénaline sur une scène, c’est vraiment une dope."

Hugo: "Je n’ai pas de préférence. C’est comme déjeuner aux crêpes, aux bagels ou bien aux œufs et saucisses; chaque chose est bonne en son temps. La scène, c’est la rencontre avec le public et le studio, c’est la rencontre avec soi-même."

Pépé: Hummer ou vieux panel fini?

Tous à l’unisson: "Vieux panel!"

Jean-Étienne: "Vieux panel, mais dans un cas comme dans l’autre, les deux polluent autant, sinon l’un plus que l’autre!"

Thierry: "Dans la mesure où je suis tout à fait favorable au recyclage, j’irais pour le panel."

Martin: "Le panel brun. Ils ne font pas de Hummer brun."

Hugo: "Pour moi, c’est le malaise depuis des années: la tournée versus la pollution. Comment veux-tu amener une équipe de 10 personnes en tournée partout au Québec sans polluer un peu? On se promène avec notre message environnemental à bord d’un gros 8 cylindres qui coûte 100 ou 120 $ pour l’aller-retour à Montréal!"

Martin: "Ouais, sauf qu’on est un par cylindre, comparativement à ceux qui sont seuls dans leur 4 cylindres."

Hugo: "On pense tourner en vélo l’année prochaine!"

Pépé: Pensez-vous que l’engagement est devenu une façon d’être populaire?

Thierry: "Dans un certain milieu underground, c’est peut-être à la mode d’être engagé, mais en général, pour faire un succès populaire commercial, c’est pas une solution, au contraire."

Hugo: "Je pense que ce qui est beau avec Polémil, c’est que notre engagement est discret, caché à travers des textes assez poétiques. On fait pas de morale; on passe des messages à travers des histoires."

Martin: "À partir du moment où t’es authentique et où tu parles de ce qui te touche, c’est un engagement, je pense; il y a une idée que tu veux propager."

Hugo: Et si on te retourne la question, Pépé? D’après ce que j’ai entendu de ton album, ton engagement serait de demander aux gens d’être souriants, d’être eux-mêmes et de prendre le temps de vivre; ça ressemble un peu à notre message…

Pépé: "Oui, ben, si on n’a plus le droit de rire parce que ça va mal, à quoi bon? Moi, je n’ai pas vraiment connu la misère; je ne me suis jamais demandé: "Est-ce que je vais manger aujourd’hui?" Alors, je regarde ces gens-là qui, eux, se demandent s’ils vont manger, et ils sont capables de rire pareil, d’eux et de tout le monde. Je trouve ça beau et j’essaie de rechercher cet esprit-là dans ma musique. Donc, oui, je suis engagé; pour le droit d’être en vie, d’être heureux et de faire de la musique, de faire des choses pour la beauté de les faire."

Hugo: J’aime aussi la chanson où tu dis que si tu te prends trop au sérieux, tu vas passer à côté de tout (Fakek Chose).

Pépé: "Il y a des gens qui font juste chialer, et je pense que c’est dangereux. Il ne faut pas se prendre trop au sérieux. Il faut apprendre à rire de nous autres. Parce qu’on est tous cons à un moment ou à un autre dans notre vie. On n’a pas le choix, il n’y a personne de parfait."

Hugo: Puis ta toune Les Croûtes, est-ce qu’il y a un message là-dedans?

Pépé: "Ça rejoint un peu Fakek Chose: réveillons-nous, arrêtons d’avoir peur de ce qui pourrait arriver et courons la chance de faire quelque chose. Ça sera peut-être dur, mais il faut essayer, prendre le risque d’agir, et on verra ce qui arrivera."

Hugo: Il y a aussi l’idée que rien n’arrive par magie; il faut en manger des croûtes dans la vie.

Pépé: "Oui, mais moi, j’y crois à la magie, quand même. C’est juste qu’il faut la provoquer. Si tu fais rien, il n’arrivera rien. Aide-toi et le ciel t’aidera."

Hugo: Et ton effervescence d’écriture; 25 chansons sur cet album-ci et 26 sur le premier?

Pépé: "Vingt-six, il y a des gens qui trouvaient que c’était trop. Et si 25, c’est encore trop, j’en ferai 24 sur le prochain!"

Thierry: Tu pratiques beaucoup, mais est-ce que t’es quelqu’un de discipliné?

Pépé: "J’aurais le goût de dire non, parce que je me suis tellement fait longtemps dire que je ne l’étais pas… Mais sans être discipliné, moi, dans les partys, au lieu de me soûler la gueule, ben, je jouais de la guitare jusqu’à 4 h 30 du matin; c’était moi, le party! Je sais pas comment dire, j’avais une sorte de volonté pure et simple, d’amour de la musique, puis c’est devenu mon médicament pour m’empêcher de virer fou puis de déprimer devant l’incertitude de la vie."

Martin: Et cette atmosphère de party, c’est comme dans tes shows…

Pépé: "C’est carrément ça, parce que c’est la seule pratique que j’ai eue! Je ne suis pas du genre à me préparer un speech pour le public; c’est comme mes chums!"

Polémil Bazar
Avale ta montre
(Tacca)

Pépé et sa guitare
Fakek Chose
(La Tribu)